Incontournable dans la scène continentale, Gnassingbé Eyadema était l'un des pions de la politique française dans le continent noir. «L'Afrique a perdu en lui un de ses grands fils, et le Maroc un grand ami connu pour sa sagesse et sa perspicacité». Cette phrase extraite du message de condoléances de SM le Roi Mohammed VI, adressée à Faure Eyadema, nouveau président intérimaire du pays, témoigne du niveau des relations entre le Maroc et ce petit pays de l'Afrique occidentale coincé entre le Bénin et le Nigeria. Gnassingbé Eyadema était devenu incontournable dans la scène continentale. Arrivé au pouvoir en 1967, il y serait resté 38 ans au pouvoir, battant le record de longévité en Afrique détenu par Houpheit Boigny de la Côte d'Ivoire. Avec la disparition de ce grand homme d'Etat, c'est tout le pré-carré, domaine d'influence de la politique française en Afrique, qui en prend un coup. D'ailleurs, le président français Jacques Chirac a été l'un des tout-premiers à regretter la disparition de cet «ami de la France » et «ami personnel ». Feu Eyadema aura connu tous les locataires de L'Elysée dans la cinquième République. De De Gaules à Chirac, en passant par George Pompidou, Valéry Giscard d'Estaing ou encore François Mitterrand. Fin et tactique, Eyadema était pourtant arrivé au pouvoir, le fusil en main, après avoir participé quatre ans plutôt dans un complot fatal contre le président d'alors, Sylvanus Olympio. Très tôt, après sa prise de pouvoir en 1967, en pleine guerre froide, l'ancien caporal de l'armée française se range à l'Ouest, en jouant la carte des intérêts français. Dans les années 90, suite au coup de semonce de François Mitterrand lancé au sommet de la Baule, en faveur de la démocratie, beaucoup étaient ceux qui pensaient que l'ère Eyadema était arrivé à sa fin. Comme le Bénin voisin, le Congo, le Cameroun et le Gabon, le Togo bascula dans le pluralisme politique, un processus sanctionné par des élections présidentielles. Reconduit, Eyadema doit faire face aux contestations de l'opposition et à une crise politique parfois réprimée à la baïonnette. Malgré des relations excellentes avec Paris, le Togo est mis à l'index par l'Union européenne qui gela son aide économique en 1992. Ce qui ne parvient qu'à gêner partiellement l'homme politique, devenu avec Omar Bongo, Paul Biya, les ténors de la Françafrique. Résignée et mettant en balance peut-être le facteur de stabilité qu'il représente dans une région en proie aux violences, la communauté internationale ne protesta que d'une molle voix en 2003, quand Eyadema, modifia la Constitution pour se représenter et du même coup barrer la route à l'opposant Gilchrist Olympio, fils du premier président togolais après l'indépendance. Cette fin subite apparaît à un moment où la sous-région est plongée dans diveres crise et conflits armés, dont celui de la Côte d'Ivoire. Dans ce dernier pays, le président togolais était particulièrement impliqué dans la recherche d'une solution de paix. Dès l ‘annonce de sa mort, alors que les hommages se multipliaient, la bataille de la succession était ouverte. L'intronisation de Faure Eyadema, fils du président défunt, a été décidée par l'armée après avoir constaté l'absence sur le territoire togolais du président de l'Assemblée nationale, prévu normalement pour succéder au président de la République en cas de vacance du pouvoir. A la suite de l'Union africaine, des Nations unies et de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, Paris a appelé sobrement «au respect de la Constitution». Un appel modéré mais qui constitue d'après les spécialistes un tournant dans les relations entre l'ancienne métropole et son pré-carré. Agé de 39 ans, le nouvel homme fort du Togo, Faure Eyadema, occupait jusque-là les fonctions du ministre des Mines, de l'Equipement et des Télécommunications. Le Togo a décrété une période de deuil de deux mois, soit le temps prévu par la Constitution du pays pour l'organisation de nouvelles élections présidentielles.