Fils d'immigrés espagnols, ancien conseiller en communication de Lionel Jospin, Manuel Valls est aussi député de l'Essonne et membre très actif d'un grand nombre de groupes d'amitiés à l'Assemblée nationale. Entretien. ALM : M. le maire, quelles procédures la mairie a-t-elle mises en place pour gérer la crise du Franprix ? Manuel Valls : Le Franprix en question était installé dans ce quartier depuis très longtemps et son ancienne directrice était très impliquée dans la vie de quartier. Lorsqu'elle a décidé de vendre, nous avions même pensé chercher un repreneur pour assurer la pérennité du tissu social. J'ai été très heureux d'apprendre qu'il avait été racheté sauf que la rumeur s'est très vite répandue qu'il ne vendrait plus que des produits Halal. Je me suis rendu moi-même sur place le jour de son ouverture et j'ai dit à l'un des deux frères que nous étions là pour l'aider. Qu'il y ait des rayons Halal ne me pose évidemment pas de problème ! Mon directeur de cabinet, à ma demande, a reçu les deux frères Djazairi et nous leur avons dit que leur projet n'était pas acceptable pour le quartier en l'état. Il fallait qu'il y ait de l'alcool parce que le quartier a besoin d'un magasin à vocation généraliste. Ils pouvaient néanmoins organiser le lieu différemment s'ils le jugeaient nécessaire. A leur demande, nous avons fait ces objections par écrit en précisant que nous serions vigilants sur le non-respect des conditions d'hygiène et que nous critiquions leur politique commerciale très agressive sur le quartier dont le but semblait être de conduire les autres commerces à la fermeture. Ce sont eux qui ont décidé de médiatiser l'affaire. Je m'interroge au passage sur les raisons pour lesquelles la chose est devenue publique. Il y a derrière tout cela une volonté de me faire passer pour un maire qui n'aime pas l'Islam. Or il se trouve qu'en tant que maire et député, je suis une personne qui n'a aucun tabou sur ces questions que je défends jusque dans la tribune de l'assemblée. Je persiste à penser qu'il faut lutter contre la ghettoïsation et si ce n'est pas moi qui ai décidé de faire de cette situation un symbole, je suis prêt, tout à fait prêt, à la gérer. M. le député, vous êtes aussi vice-président du groupe d'étude à l'Assemblée nationale sur les territoires autonomes palestiniens. Pourriez -nous dire en quoi consiste votre action ? Je suis un des dirigeants socialistes les plus impliqués, il n'y en a pas beaucoup, dans la question palestinienne depuis des années. J'étais récemment au meeting de la Mutualité demandant suspension de l'Accord d'association euro-méditerranéenne UE-Israël. Je pense que nous avons besoin d'actes politiques forts. Evry est d'ailleurs jumelée avec le camp palestinien de Khan Younes où je me rends régulièrement. De toutes les manières, la situation actuelle détruit et mine la société israélienne au même titre que la répression et la destruction des villages et de la mémoire palestinienne est un acte gravissime. Les deux peuples doivent travailler ensemble d'autant plus qu'il y a une culture démocratique et laïque chez les Palestiniens. C'est d'ailleurs la même culture de tolérance qui a fait du Roi feu Hassan II un acteur important du dialogue israélo-palestinien. Par ailleurs, je fais partie de ces députés qui ont affirmé devant la tribune de l'Assemblée nationale que je ne voterai jamais en faveur de l'entrée de la France dans le conflit irako-américain y compris sous mandat onusien. Cette guerre serait absurde. M. le député, en tant que membre du Groupe d'amitié franco ibérique à l'Assemblée, pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de la crise que traversent les relations maroco-ibériques ? Je trouve très triste la crise entre l'Espagne et le Maroc parce que ces deux pays ont d'autres dossiers plus importants à traiter ensemble. Je suis de ceux qui pensent qu'il faut poursuivre le processus de Barcelone sur les relations entre les deux rives de la Méditerranée. L'histoire de ces deux pays est intimement mêlée, et l'Espagne se doit d'être à l'avant-garde de l'Union Européenne quant à cette dynamique. • De Paris, Hicham Ouazzani