L'école gratuite jusqu'à 15 ans. Après, les «familles aisées et le secteur privé» devront mettre la main à la poche L'enseignement public payant. Voilà un dossier auquel s'attaque le gouvernement et qui risque d'être la polémique de ce début de 2018. En effet, le tant attendu projet de loi cadre sur l'enseignement (il arrive 3 longues années après l'élaboration de la vision stratégique!) est enfin mis dans le circuit d'adoption. Les membres du gouvernement viennent de recevoir le texte en perspective de sa programmation au Conseil de gouvernement, vraisemblablement celui du 4 janvier. Le projet aura une valeur stratégique puisqu'il définit les contours de l'école marocaine de demain. Il faut dire que le texte apporte énormément de nouveautés avec une valeur ajoutée potentiellement importante. En effet, le texte traite notamment du contenu de l'enseignement, les méthodes pédagogiques, l'ouverture des programmes sur les valeurs universelles ainsi que les concepts de citoyenneté et d'appartenance à la nation. Cependant, la disposition phare concerne la fin de la gratuité de l'enseignement. Le gouvernement précédent avait déjà tâté le pouls avec notamment Lahcen Daoudi alors ministre de l'enseignement supérieur qui avait évoqué la contribution des familles d'étudiants dans le financement de certaines spécialités d'enseignement supérieur, en l'occurrence la médecine. A l'époque ces déclarations avaient provoqué un tollé. Aujourd'hui, le gouvernement El Othmani entend prendre le sujet à bras-le-corps et se fait beaucoup plus explicite. Aisance ! Si le projet de loi insiste sur le caractère obligatoire de l'école pour tout le monde jusqu'à l'âge de 15 ans avec une responsabilité claire pour l'Etat, le texte parle plus loin du rôle des pouvoirs publics dans la diversification des ressources de financement du système éducatif. Plus loin encore, le projet de loi incite l'Etat à faire appel à «la solidarité nationale et sectorielle». Le projet se fait encore plus explicite en évoquant les parties appelées à contribuer au financement, notamment «les familles aisées, des collectivités territoriales, des établissements et des entreprises publics et du secteur privé». Pour le moment, le projet ne prévoit pas avec exactitude la manière avec laquelle cette contribution sera perçue. Cette dernière sera probablement fixée par voie réglementaire. Cela dit, le projet de loi cadre laisse entendre que les participations iront directement à un fonds de soutien dédié aux opérations de généralisation et d'amélioration de la qualité de l'enseignement obligatoire. Autrement, l'école jusqu'à l'âge de 15 ans sera gratuite dans le secteur public. Au delà, le texte dans sa version actuelle ouvre la porte devant le paiement de droit d'inscription et probablement d'autres frais progressivement dans l'enseignement supérieur (universités et leurs différentes facultés en plus des instituts et autres écoles d'enseignement supérieur) ainsi que l'enseignement qualifiant, comprenez les lycées. Pour le moment, les dispositions du projet restent assez vagues, notamment en ce qui concerne les familles aisées. Il devient donc urgent de définir dès maintenant avec exactitude le concept de l'aisance ! Ce que dit la Constitution La Constitution de 2011 évoque le rôle de l'Etat ainsi que des collectivités locales pour garantir aux citoyens un accès à l'éducation. Ainsi l'article 31 stipule que «l'Etat, les établissements publics et les collectivités territoriales œuvrent à la mobilisation de tous les moyens à disposition pour faciliter l'égal accès des citoyennes et des citoyens aux conditions leur permettant de jouir des droits : (….) à une éducation moderne, accessible et de qualité, à l'éducation sur l'attachement à l'identité marocaine et aux constantes nationales immuables». Cela dit, la loi fondamentale du pays parle de la contribution des citoyens en stipulant notamment dans son article 39 que «tous supportent, en proportion de leurs facultés contributives, les charges publiques que seule la loi peut, dans les formes prévues par la présente Constitution, créer et répartir». De même, l'article 40 dispose que «tous supportent solidairement et proportionnellement à leurs moyens, les charges que requiert le développement du pays…»