En interdisant à Yasser Arafat de se rendre à Beit Lahm et en accusant les Palestiniens d'abriter des membres d'Al-Qaïda, Israël a encore démontré son intention de maintenir la région sous tension. Et sous son contrôle. «Arafat n'a rien à chercher à Beit Lahm pour Noël, qui est une fête de paix», a tout simplement estimé dimanche un porte-parole du Premier ministre israélien, Yaanan Gissin. Selon lui, «pour qu'une décision soit prise à ce sujet, il faudrait qu'Arafat nous présente une demande officielle en ce sens, ce qu'il n'a pas fait». Cette nouvelle humiliation publique à l'encontre du président de l'Autorité palestinienne ne promet qu'une répétition des plus cyniques du scénario de l'an dernier lorsque, effectivement, Yasser Arafat avait été empêché de se rendre dans la ville pour participer à la messe de minuit. Cérémonie qui se déroule dans la basilique de la Nativité, et à laquelle il a symboliquement pris part depuis 1994, année de création de l'Autorité palestinienne. Comme en 2001, le leader palestinien est cette fois encore confiné dans ses quartiers de Ramallah, ville qu'il n'a d'ailleurs pas quittée depuis. Beit Lahm est quant à elle réoccupée par l'armée israélienne depuis le 27 novembre. L'Etat hébreu l'a même décrétée «zone militaire fermée» jusqu'à fin décembre. L'objectif est clair : «il ne bougera pas (...). Nous ne laisserons pas Arafat se rendre à Beit Lahm», a répété dimanche M. Gissin. Ce jour-là, quelques heures plus tôt, le président palestinien avait annoncé son intention de faire ce déplacement. «Il est de mon devoir d'être là», avait-il affirmé lors d'un entretien accordé à l'agence de presse britannique Reuters. Accusé de «ne pas faire assez contre le terrorisme» par Tel-Aviv, le leader palestinien a de son côté accusé Israël de recourir à des accusations forgées de toutes pièces sur l'existence de liens entre les Palestiniens et Al-Qaïda. Vendredi dernier, Ariel Sharon avait affirmé que le réseau terroriste avait établi une présence à Ghaza ainsi qu'au Liban dans le but d'attaquer l'Etat hébreu. C'est en partie par ces déclarations que le Premier ministre avait tenté de justifier le massacre de Bureij qui avait fait dix morts le même jour. «C'est un gros, gros mensonge», a rétorqué dimanche Yasser Arafat. «Sharon veut aujourd'hui camoufler ses propres attaques militaires contre les Palestiniens en présentant un nouveau visage», a-t-il expliqué. Le raïs a catégoriquement nié tout lien avec Al-Qaïda malgré la défense de la cause palestinienne par Oussama Ben Laden et son réseau qui l'ont souvent évoquée dans leurs revendications d'attentats. Lors de cet entretien, Yasser Arafat a par ailleurs dit craindre que le gouvernement israélien ne profite de l'actualité irakienne pour intensifier ses opérations militaires en Cisjordanie et dans la Bande de Ghaza. Cette présence permanente et son lot de violences amenuisent d'ailleurs chaque jour un peu plus les chances palestiniennes d'organiser les prochaines élections. Des élections générales prévues le 20 janvier qui sont pourtant cruciales pour l'avenir de la région et que la communauté internationale, notamment les Etats-Unis, ont longtemps réclamées. Mais Yasser Arafat l'a encore répété après plusieurs responsables palestiniens : la présence de soldats et de blindés israéliens dans les territoires empêche leur organisation, qui nécessiterait jusqu'à trois mois de plus. Ce qui a amené le leader à évoquer un possible report du scrutin, « sauf retrait des forces israéliennes de toutes les villes et zones sous administration palestinienne». Décision que le gouvernement Sharon n'est pas prêt d'envisager, au contraire, comme l'illustrent les propos tenus dimanche par le président israélien lors d'une visite en Allemagne. Moshé Katsav a alors prévenu qu'une mise sur « le même plan» du «terrorisme palestinien» et de la riposte «défensive» de son pays était une erreur. S'adressant aux Palestiniens, il a affirmé «qu'il n'y avait pas de terrorisme légitime» et que ces derniers devaient y mettre fin pour «reprendre les négociations politiques». Et le chef d'Etat d'ajouter que même si «tout bébé palestinien tète avec le lait de sa mère la haine d'Israël», l'Etat hébreu reste attaché à la nécessité de travailler pour la paix. «Nous sommes le pays moral du Proche-Orient», a-t-il assuré. Une femme palestinienne a pourtant encore été tuée et trois de ses enfants blessés dimanche par des tirs israéliens à Rafah, au sud de la Bande de Ghaza.