L'affaire PJD-2M soulève une question cruciale: les journalistes des médias publics sont-ils tenus d'étouffer leurs opinions politiques? En protestation contre le reportage de 2M, qualifié de "macabre et digne du temps du Stalinisme ou de la Ghestapo", plusieurs membres du secrétariat général du PJD, accompagnés de plusieurs responsables du parti, ont observé, dimanche dernier à partir de 16 heures, un sit-in devant le siège de la deuxième chaîne à Aïn Sebaâ à Casablanca. Au total, plusieurs dizaines de militants sont allés crier leur colère contre les "calomnies" dont leur parti a été victime lors d'un reportage, signé Taoufiq Debbab, et portant sur un article d'Attajdid sur le Tsunami et les leçons à en tirer. Les idées développées par le rédacteur de cet article, dans le journal d'Attajdid Wal Islah (une association proche du PJD), ont été qualifiées "d'obscurantistes" par le journaliste de 2M. Celui-ci a même insinué que les idéaux du PJD, étant à l'origine des attentats du 16 mai, risquent de conduire le Maroc vers une nouvelle catastrophe terroriste. C'est justement contre de telles insinuations que le PJD s'est soulevé. Après avoir été la cible des "progressistes marocains" au lendemain des évènements tragiques du 16 mai 2003, le PJD a finalement eu droit à un répit. Saâd Eddine El Othmani, le secrétaire général du parti, a été l'invité d'une émission de débat politique sur 2M. Le PJD n'était plus boycotté. "Nous avons conclu que tout est rentré dans l'ordre et nous avons tourné la page", a souligné un communiqué du secrétariat du PJD à l'occasion du sit-in de dimanche. Ce jour-là, étaient également présents des membres et sympathisants de l'Organisation marocaine de lutte contre la haine et le racisme. Pour eux, il n'est pas question de baisser les bras face aux dérapages, même les plus anodins, des islamistes. Les moindres déclarations ou attitudes de nature à porter atteinte aux choix démocratiques du Maroc, seront condamnées par cette organisation présidée par notre confrère Jamal Berraoui. Depuis les évènements tragiques du 16 mai, ce dernier s'est attelé à combattre toutes les formes d'extrémisme et de fanatisme, surtout s'ils émanent des islamistes. Force est de constater que ces deux courants idéologiques (progressistes et islamistes) sont représentatifs d'une partie de la société marocaine. Mais la force de chacun des deux ne se mesure pas seulement au nombre de personnes mobilisées dans un sit-in, mais également (et surtout) lors des consultations électorales. Toutefois, la question qui demeure sans réponse est celle de savoir pourquoi 2M a défendu un camp contre un autre. Dans une déclaration à l'agence MAP, Samira Sitaïl, directrice de l'information à 2M, a souligné que la chaîne fait "du journalisme et non pas de la politique". Cette déclaration peut paraître claire. Mais en fait, elle complique davantage les choses. Car, justement, la frontière entre les deux n'est pas très visible ou du moins n'est pas la même pour tous les journalistes. En tout cas, Sitaïl ne s'est empêchée de "faire de la politique" en affirmant que l'appel au sit-in "consacre la culture de confrontation existant au sein du parti" et d'ajouter que derrière cette démarche "se profilent des calculs électoraux et une tentative d'occulter les différents courants dangereux qui y existent". Les médias publics ont incontestablement un statut particulier. Car, comme l'aiment à le rappeler le PJD, ils sont financés par tous les contribuables marocains au même titre que les hôpitaux et les écoles. Mais cela veut-il dire, pour autant, que les journalistes des médias publics n'ont pas le droit d'exprimer leurs opinions politiques, ne serait-ce qu'hors antenne? Tout le monde n'est pas d'accord sur la réponse, surtout dans le rang des journalistes eux-mêmes. Un large débat s'impose.