Le Tsunami qui a éclaboussé la classe politique marocaine risque de laisser des traces pour longtemps. Et pour cause, la première décision que la Haute autorité de la communication audiovisuelle devra trancher sur un sujet éminemment politique. L'affaire PJD-2M a pris des dimensions insoupçonnées depuis que la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) a été saisie. Une pression terrible est exercée sur les membres de cette institution fraîchement créée. Tout a commencé par un article d'Attajdid (proche du PJD) qui a exhorté les Marocains à tirer les leçons morales qui s'imposent à la suite de la catastrophe du Tsunami. Cette lecture "rétrograde" a été sévèrement critiquée par plusieurs ONGs, notamment l'Organisation marocaine de lutte contre la haine et le racisme. Le président de cette dernière, notre confrère Jamal Berraoui, a remué ciel et terre pour que cette condamnation soit celle de toute la société marocaine. S'en est suivi un reportage sur la deuxième chaîne, signé par notre autre confrère, Taoufiq Debbab. Ce dernier a usé d'un ton, on ne plus acerbe, pour expliquer que les propos développés dans l'article d'Attajdid étaient de nature à encourager la haine et la violence, faisant ainsi allusion aux attentats du 16 mai et la supposée responsabilité du PJD dans cette catastrophe. C'est justement ce "mélange des genres", pour reprendre l'expression utilisée par Abdelilah Benkirane, que les responsables du parti islamiste marocain ont condamné. Un sit-in a été observé face au siège de la chaîne d'Aïn Sebaâ. Plusieurs membres du PJD y sont venus crier leur colère. Cerise sur le gâteau: la HACA a été saisie par le PJD. Il s'agit pour cette Haute Autorité de dire si le journaliste de 2M (qui se trouve être également directeur adjoint de la rédaction) avait tort ou pas de prendre personnellement position dans cette affaire. C'est toute la question des lignes rouges du journalisme dans les médias audiovisuels publics. Peuvent-ils exprimer leurs intimes convictions quand celles-ci sont partagées par d'autres intervenants comme des ONGs ou des parlementaires ? Force est de constater que le débat sur cette question est doublement politique. D'une part, car le statut des chaînes nationales et les limites de leur indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics ne sont pas du tout clairs au Maroc. Il s'agira de savoir si la RTM, 2M ou la radio nationale sont des institutions au service exclusif de la politique de l'Etat. Ou au contraire, ce sont des médias, certes publics, mais dont l'unique moteur doit être l'information et la recherche de la vérité. D'autre part, l'affaire 2M-PJD soulève une autre question non moins politique: quelles sont les limites de l'islamisme au Maroc? et quelle attitude les islamistes marocains doivent tenir? En termes clairs, le PJD doit-il agir comme un parti comme tous les autres, c'est-à-dire se tenir à carreau? Des questions difficiles, soumises à la HACA, au grand dam de ses responsables, qui ont sur le bureau (on ne le répétera jamais assez) leur premier dossier et pas des plus simples. Toutefois, si la réponse de la HACA n'a pas le mérite d'être claire et tranchée, c'est toute sa crédibilité qui risque d'en pâtir dans l'avenir. L'intervention du SNPM mérite également un temps d'arrêt. Le syndicat a adopté une attitude mi-figue, mi-raisin. Il a tout simplement condamné les deux parties. L'article d'Attajdid est contraire aux valeurs journalistiques et le reportage de 2M, caractérisé par son acharnement, n'est pas du tout professionnel. Voilà en substance la position du Syndicat national de la presse marocaine. Younes Moujahid a tiré son épingle du jeu. En sera-t-il de même pour la HACA? En tout cas, le communiqué du SNPM a valu à ce dernier les plus sévères critiques de Samira Sitaïl, la directrice de l'information de 2M. Elle a estimé (voir entretien ci-contre) que le SNPM n'avait pas à intervenir dans cette polémique. Quant à la HACA, Sitaïl estime qu'elle doit suivre les valeurs défendues par la société marocaine. Il se trouve que le PJD revendique une bonne partie de cette même société. Ce qui nous ramène à l'aspect politique du débat. Quelle que soit la décision de la HACA, elle fera date. Les deux parties en conflit sont au moins d'accord sur une chose. Elles espèrent que l'avis de la HACA ne sera pas aussi "tranché" que celui du SNPM.