Admise dans une clinique de Casablanca pour une opération chirurgicale de la colonne vertébrale, Sakina Yacoubi ne se réveillera jamais. Victime, selon sa famille, d'une erreur médicale grave. Récit. Elle avait 49 ans, était mariée et mère d'une petite fille de neuf ans. Elle était connue pour son dynamisme et son assiduité au travail. À l'ODEP, où elle est cadre, à Safi, ses collègues lui vouaient estime et affection. Son attachement à son travail n'avait d'égal que son dévouement pour sa petite famille. Mariée depuis plus de dix ans à un pharmacien, elle ne rêvait que de voir sa fille grandir et réussir dans la vie. Pour cela, elle consacrait tous ses efforts et toute son énergie à lui assurer une bonne éducation. Mais, elle ne verra pas son rêve se réaliser. Sakina Yacoubi est décédée, le 29 novembre dernier, dans le bloc opératoire d'une clinique à Casablanca, alors qu'on l'opérait d'une calcification de la colonne vertébrale. Selon les rapports du chirurgien et de l'anesthésiste, le décès aurait été causé par un arrêt cardiaque. Mais la vérité est peut-être ailleurs. La famille de Sakina parle d'une grave négligence médicale qui aurait provoqué son décès. Elle a, dans ce sens, déposé une plainte auprès du procureur du Roi près la Cour d'appel de Casablanca. Les faits remontent au 11 novembre 2004, lorsque la défunte, souffrant d'un malaise au niveau de la colonne vertébrale, était allée voir Dr Abdelkarim Houidi à son cabinet. Ce dernier lui demande de faire un scanner à la Neuroclinique de Casablanca dont il est le directeur et où sa femme exerce en tant que médecin. Ce même jour, à la clinique, il lui dira, après avoir examiné le résultat du scanner, que son état nécessitait une opération urgente. Sinon, elle risquait une paralysie des membres inférieurs. « On doit opérer d'urgence, il faut donc que vous passiez la nuit ici pour que l'on puisse faire l'opération demain à huit heures du matin », lui avait-il indiqué. Mais, comme elle n'était pas prête et qu'aucun membre de sa famille ne l'accompagnait, elle a préféré prendre un autre rendez-vous pour le 30 novembre. Aussi, elle devait être admise à la clinique, la veille, pour être préparée à l'opération, le lendemain à huit heures du matin. En compagnie de son mari, elle arrive à la clinique le 29 novembre comme prévu. Mais, on lui annoncera qu'il n'y avait pas de chambre disponible et en attendant, la patiente sera installée dans la salle des soins intensifs. Entre temps, le mari de la défunte reçut un appel l'informant que son père avait des problèmes de santé. Il quitta alors sa femme en lui promettant de revenir dès que possible, sachant qu'elle ne devait être opérée que le lendemain. Selon la plainte déposée par l'avocat de la famille, Me Mohamed Berrada, du barreau de Casablanca, le chirurgien, Dr Houidi, décida, juste après le départ du mari, de changer de programme et de procéder à l'opération dans l'immédiat. Apparemment, le chirurgien avait un programme chargé, le lendemain. L'avocat des plaignants rappelle dans la plainte que la victime avait pris son petit-déjeuner le matin et que, de ce fait, l'opération constituait un danger pour elle. En plus, la clinique ne procédera à aucun des examens pré-opératoires requis dans ce genre d'opérations : ionogramme, électrocardiogramme, glycémie et numérotation de la formule sanguine. Malgré cela, le médecin décida de l'opérer. Il lui donnera juste le temps d'appeler son mari pour l'aviser. Joint par téléphone, ce dernier lui dira de ne pas se laisser faire et d'attendre le lendemain. Docteur en pharmacie, il savait qu'elle en courait un grave danger car elle avait mangé le matin et que son opération allait se dérouler en position dite "décubitus ventral", ce qui rendait le risque encore plus grave. Toutefois, à son arrivée à la clinique en compagnie de la sœur de la défunte, il était trop tard, puisque sa femme avait déjà été introduite au bloc opératoire. Vers 16 h, les membres de sa famille, affirment avoir remarqué une agitation inhabituelle dans la clinique. Quelques minutes plus tard, ils remarquèrent l'arrivée de deux cardiologues qui entrèrent au bloc opératoire. Et après quelques moments d'attente et d'angoisse, on leur annonça que la nouvelle tragique. La mort de Sakina. Joint par téléphone par notre rédaction, Dr Houidi refusera de commenter l'affaire invoquant en cela le secret professionnel. Il dira aussi que le dossier est devant la justice, ce qui l'empêche de faire un commentaire. Mais, dans son compte-rendu opératoire, auquel ALM a pu avoir accès, M. Houidi explique que le décès a été causé par une "survenue brutale de troubles du rythme cardiaque avec fibrillation ventriculaire imposant l'arrêt du geste chirurgical". Devant cette situation, affirme le compte-rendu, il a été décidé de procéder au "retournement de la patiente en décubitus dorsal et démarrage d'une réanimation cardiorespiratoire". Mais dans la plainte déposée par la famille, Me Berrada précise que si la cause du décès était une fibrillation, la clinique ne diposait pas d'un "défibrillateur" et que les médecins ont dû aller le chercher ailleurs, pendant que la défunte était entre la vie et la mort. Par ailleurs, et après avoir été informés du décès de feue Sakina, son époux et ses frères et sœurs ont été sommés de récupérer immédiatement le corps, étant donné que la clinique ne disposait pas de "chambre froide". "Lorsque les femmes chargées de procéder aux toilettes funèbres ont ôté les couvertures dont la clinique avait enveloppé la défunte, elles ont découvert qu'une seringue était encore introduite dans la veine au niveau du poignet, un flacon de sérum entre les cuisses et la plaie sur le dos que l'on n'avait pas pris la peine de refermer", affirment les plaignants, preuves à l'appui puisqu'ils présenteront au parquet 31 photos. Aujourd'hui, l'affaire est devant la justice qui attend que le médecin légiste lui remette son rapport sur les causes du décès. Ne croyant pas à la version officielle de la clinique, les proches de Sakina Yacoubi, toujours sous le choc, ont bon espoir pour que la vérité éclate.