Rfigue, le dernier album de Karim Tadlaoui, donne l'exemple d'un produit qui a toutes les chances de réussir. Cet album bute malheureusement contre la prédominance des musiques populaires et un marché inefficient. Le téléphone sonne. A l'autre bout du fil, un ami de longue date qui annonce à son interlocuteur, Karim Tadlaoui, de bonnes nouvelles. Le visage illuminé de Karim en dit long sur le contenu de la conversation. Brûlant d'impatience, il interrompt son correspondant voulant s'assurer davantage de la sincérité des propos élogieux qu'il lui adressait. C'est en effet autour du dernier album de ce chanteur-compositeur, économiste de formation et musicien de passion, que toute la conversation a porté. Baptisé «Rfigue» -compagnon- et lancé récemment sur le marché, il est le fruit de plusieurs mois de travail pendant lesquels compositeurs, paroliers, musiciens pour ne citer qu'eux, ont travaillé d'arrache-pied pour que l'album soit finalisé dans les délais convenus sans entamer une qualité irréprochable. Son responsable artistique, Tawfiq Swiss n'a-t-il pas confié à maintes reprises que l'investissement en la chanson marocaine comprend des risques énormes ? Une commercialisation en masse s'identifierait donc tout bonnement à un pari gagné par excellence. Et pas n'importe lequel. Car, finalement, personne n'ignore qu'une cassette ou un CD est un produit plus difficile à vendre quand il est marocain que quand il est d'ailleurs, de l'Orient ou de l'Occident. Un état des lieux qui laisse croire que, forcément, des ingrédients manquent à la chanson marocaine pour en faire un plat réussi. Des compositeurs de talent ? Des paroliers doués ? Des musiciens qualifiés ou encore des interprètes que le public peut accueillir les bras grands ouverts ? Une question qui en entraîne une autre : Tous ces paramètres réunis dans un même travail, comme celui de Karim Tadlaoui, peuvent-il garantir de facto son acceptation auprès d'un public qui semble n'éprouver que peu d'intérêt pour la chanson marocaine, notamment dans sa composante dite moderne ? Le Châabi et le Raî ne faisant pas partie de ce lot boycotté par un auditoire certes hétérogène mais dont la majorité écrasante exprime une préférence pour des genres musicaux dits populaires, devenus en fait une tradition qui se manifeste de la façon la plus nette. Tadlaoui ne méprise pas la musique populaire, il sait l'introduire dans ses compositions en la modernisant. Cette approche a été intelligemment reproduite par l'intéressé qui a pris la ferme résolution de lancer un produit où des rythmes empruntés de la musique Gnawa, andalouse, Ghiwane… épousent des textes profonds mais fluides, écrits par des paroliers comme Abdelghaffar Benchekroun, Nass Ghiwane, Mohamed Batoulli. L'objectif étant de rallier des foules autour de ce travail. Pour cela, notre artiste ne lésine pas sur les moyens.