Devant les deux chambres, le Premier ministre a présenté sa déclaration de gouvernement qui sera discutée et soumise au vote devant la Chambre des Représentants. La méthode Driss Jettou est de plus en plus claire. Elle ressemble de plus en plus au personnage, pondéré, efficace et pratique. Et le personnage lui-même imprime naturellement sa personnalité à sa déclaration de politique générale. Ni envolée lyrique, ni emphase superfétatoire, ni souffle historique particulier. Le Premier ministre est dans la posture normale et connue d'un chef d'entreprise en train d'expliquer un business-plan à des investisseurs ou à des financiers. Il «vend» son projet avec l'assurance qu'offre l'expertise et le savoir faire, et la force de la conviction qu'engendre la croyance totale en des principes et des valeurs de réussite au profit de la communauté. C'est tout Jettou qui est résumé là. «Dans les moments les plus difficiles de ma vie ou quand j'avais le trac par rapport à un événement précis de ma carrière, je me disais toujours sois, tout simplement, toi-même et tout ira bien. Reste comme tu es et exprime les idées auxquelles tu crois. C'est comme cela que j'ai conduit ma vie et que je l'ai construite». Ce qu'exprime Driss Jettou ici était en relation avec une question sur la réussite des dernières élections législatives, mais on n'en doute pas, le même esprit a prévalu pour sa déclaration devant les représentants de la nation. Une sorte de baraka. Une déclaration gouvernementale pour Driss Jettou, comme il l'entend lui, ce sont d'abord des chiffres et des délais. Ce sont des engagements précis. Mais il n'est jamais inutile de rappeler quelques principes fondateurs comme notre identité musulmane, notre attachement à la monarchie constitutionnelle et à notre intégrité territoriale ainsi que le combat permanent pour l'État de droit, le développement des institutions démocratiques et les droits de l'Homme. Quant à la feuille de route du Premier ministre, elle est claire. Il la tire du discours d'ouverture du Parlement prononcé par S.M. le Roi Mohammed VI. C'est clair, net et précis et cela s'articule sur quatre points : l'emploi productif , le développement économique par l'investissement, la croissance et l'emploi, la mise en place d'un système d'éducation efficient, et la production généralisée d'un habitat salubre. Le tableau est à présent connu, il faut maintenant passer à la concrétisation. On va voir donc Jettou à l'œuvre, et savoir comment il va mettre en musique, sur le terrain, les recommandations royales. Rien ne pourra se faire sans la modernisation, la mise à niveau et le développement du tissu économique national. Et pour y arriver le Premier ministre est prêt à s'engager dans une politique de mis en place de grandes infrastructures qui, sur les cinq ans à venir, devra doter le Nord du Maroc d'un grand port à Tanger avec les grands aménagements qui vont faire de l'axe tanger-Tetouan une vraie façade industrielle, compétitive et dynamique, face à l'Europe. La rocade méditerranéenne verra le jour. Et Avant 2007 quatre cents nouveaux kilomètres d'autoroute seront opérationnels sur le territoire national. Une voie ferrée reliera Taourirt à Nador et la voie entre Casablanca et Settat et celle entre Rabat et Fès seront doublées. L'entreprise marocaine dans sa globalité sera soutenue et dotée d'atouts à travers le Fonds de mise à niveau qui pour l'année 2003, disposera d'un budget de 400 millions de dirhams. La réactivation du Fonds de garantie sera assurée et portera sur 1 milliard 200 millions de dirhams. Quant aux sociétés de capital risque, elles devront intervenir pour cette mise à niveau à hauteur de 900 millions de dirhams. Par ailleurs une grande mobilisation, notamment du gouvernement, sera organisée pour permettre aux PME/PMI, centre d'intérêt majeur de Driss Jettou, de pouvoir se développer et d'accéder à une meilleure prise en compte de leur rôle économique et social déterminant pour le pays. La relance de l'investissement et celle des exportations sont au cœur du dispositif du Premier ministre, il compte pour atteindre les objectifs escomptés s'appuyer résolument sur les CRI et regrouper définitivement toutes les structures publiques dédiées à la promotion de l'investissement dans un cadre commun unifié. La réforme de la fiscalité marocaine, n'a pas échappé à l'analyse –programme du Premier ministre. Il est question d'équité et d'un juste équilibre dans la contribution des uns et des autres. Notre fiscalité devra nécessairement prendre en compte le poids relatif de chaque type de revenu et de créer un processus fin et juste pour fiscaliser progressivement et simplement les opérateurs informels et les intégrer à l'économie formelle de notre pays. La révision de la fiscalité locale semble elle aussi inéluctable dans le cadre d'une grande réforme basée sur l'efficience économique, l'équité et la simplification. Quant à l'emploi productif au chapitre duquel le Maroc souffre d'un déficit chronique de 30 à 40 000 emplois par an il doit pouvoir bénéficier d'une mobilisation nationale de grande envergure. Il va falloir doubler le volume des bénéficiaires afin d'atteindre précisément le chiffre de 400 000 jeunes sur 5 ans. Le système de Formation/intégration quant à lui, il doit pouvoir intégrer l'équivalent de 20 à 25000 diplômés non qualifiés. Mais c'est au niveau du dialogue social que Driss Jettou compte créer une dynamique entre le gouvernement, le patronat et les syndicats pour tourner la page du passé et créer un climat qui favorise définitivement l'investissement et l'emploi. La recherche d'une paix sociale sera permanente entre les partenaires qui devront s'entendre rapidement sur l'accélération de la mise à niveau des entreprises, sur le code du travail et sur l'encadrement réglementaire du droit de grève. Il sera recherché sur la base d'un consensus l'encouragement au départ à la retraité anticipée de 120 000 personnes entre le public et le privé. Au niveau de l'enseignement, les réformes déjà engagées, suivront leur cours et permettront notamment la généralisation de la scolarisation primaire et donner un grand coup de fouet à la lutte contre l'analphabétisme. Driss Jettou entend lancer son gouvernement dans une politique de proximité qui se décline sur plusieurs points précis et quantifiés. L'accès au logement. Près de 100 000 logements sociaux de toutes natures seront produits durant les prochaines cinq années. Libéralisation des transports et favoriser en milieu urbain la construction de Tram et de Métro. Amélioration de la santé publique. Généralisation de l'électrification du monde rurale en 2007. La couverture en eau potable devra couvrir 90% des foyers marocains en 2007 et non pas comme cela était prévu, en 2010. Construire 1500 kilomètres de routes rurales au lieu de 1000 actuellement chaque année. Lutter par des mesures appropriées à la sauvegarde et au développement de notre milieu forestier et se prémunir de la désertisation. La réforme de l'administration devra quant à elle se faire par l'ampleur qui sera donnée à toutes les procédures de décentralisation et à la délégation au privé d'un certain nombre de tâches. Elle s'articulera aussi sur l'informatisation des services et la rationalisation des dépenses et des coûts engendrés par l'administration. Elle passe, selon Driss Jettou, par la moralisation de la vie publique en luttant contre la corruption. Les moyens pour ce faire avancés par le Premier ministre seront axés sur la simplification des procédures, la limitation des documents administratifs demandés aux citoyens, la prise de conscience de la culture des droits et la mise en place de permanences qui permettent aux citoyens d'accéder aux services les fin de semaine et durant les périodes de congés annuels. La réforme de d'audiovisuel sera poursuivie conformément aux textes votés récemment. Mais la philosophie de cette modernisation devra s'appuyer sur un socle constitué de la liberté et de la responsabilité des acteurs de ce secteur professionnel. Le respect de la loi de la vie privée et de la déontologie devront prévaloir contre toutes les dérives et les dépassements. Les MRE n'ont pas échappé à l'attention du Premier ministre Driss Jettou. Tout sera fait pour que leurs droits soient préservés et pour que leur lien avec leur patrie soit consolidé et qu'ils participent davantage à l'essor économique de la nation. Si Driss Jettou appelle finalement à la mobilisation nationale pour la réussite de son programme de gouvernement, ce sursaut national semble d'autant plus aisé que les objectifs assignés, juste pour les 5 ans à venir, comme il se doit, par le Premier ministre semblent clairs, précis, heureusement modestes et réalisables. Au-delà de la confiance que l'on peut avoir en Driss Jettou, pour la suite, il faut tabler sur le réveil des Marocains car aucun politique ne pourra réussir sans eux s'ils restent défiants. Le retour de la confiance est la clé du succès de Driss Jettou.