Chacun a son rôle à jouer dans l'insertion de notre jeunesse : l'exclusion est – on le sait-le terreau de toutes les dérives. Or que constate-t-on ? là où ont poussé terrains de sports, maisons de jeunes, centres culturels… Est-il utile de reparler de ce sinistre 16 mai ? Oui, selon moi, par devoir de mémoire tout d'abord mais aussi parce que ce jour a durablement marqué notre présent, notre avenir et aussi notre vision de nos quartiers périphériques et mis en relief nos insuffisances et nos manques. 14 jeunes de 20 ans ont «décidé», ont «choisi» de se faire exploser et de semer la mort. Mon propos ne sera pas ici d'évoquer le climat international, le terrorisme mondial, les manipulations extérieures mais de limiter mon analyse à notre jeunesse, celle dont sont issus ces 14 kamikazes. 3Un tel malheur aurait pu nous inciter au repli, à la frilosité, il pouvait au contraire nous causer un électrochoc salutaire. Et effectivement, prise de conscience il y a eue ! Insuffisante, peut- être ? Pas toujours collective et unanime, certes… mais le vrai danger serait qu'elle soit éphémère. C'est en effet là que réside le principal écueil: et si notre sursaut ne devait durer que le temps de se rassurer à bon compte ? Là, notre responsabilité est collective et l'état de nos quartiers, le mental de nos jeunes sont ce que avons -en partie- contribué (ou laissé) à en faire. Où en sommes-nous ? Il y a toujours deux manières de voir : celle du verre à moitié plein, celle du verre à moitié vide: ici peut-être serait-il judicieux d'en explorer une autre : celle du verre à remplir. Entendons-nous bien : cela veut dire qu'avant de verser un contenu, il faut que celui-ci existe et c'est ce qu'à mon sens, un certain nombre de personnes responsables de la société civile comme de ce que l'on a coutume d'appeler l'Autorité ont entrepris-Il faut ensuite que le contenant soit apte à recevoir ce qui lui est destiné : en l'occurrence tout ce qui permet d'éduquer, d'éveiller, de conscientiser, de responsabiliser notre jeunesse, pour que celle-ci soit réceptive. 18 mois c'est beaucoup et c'est peu: beaucoup car il y a urgence à agir, à redonner des perspectives, à mobiliser autour d'un projet commun notre jeunesse ; peu car tout est à faire et le nombre est considérable. Cependant les choses bougent : l'accès à un moqadem, à un caïd, à un élu, à un gouverneur a fortiori un wali ne sont plus de l'ordre du fantasme cauchemardesque et ceux qui s'obstinent à garder porte close sont minoritaires ou en voie d'être balayés par l'époque. L'accès au sport, à la culture, à l'éducation… dans les quartiers les plus défavorisés devient plus facile ; le mouvement associatif marocain s'est enrichi d'une multitude de jeunes qui se prennent en charge et portant leur parole eux-mêmes sans missi-dominici d'un autre âge- le chemin des quartiers, des bidonvilles même s'il n'est constitué que d'une « piste » n'est plus infréquentable et ces lieux de « mal-vie » font l'objet d'un réel intérêt, d'une vraie attention. Nous (re) découvrons nos quartiers périphériques et par-là même nous (re) découvrons notre jeunesse. Que de talents recèlent-ils ? Que de talents recèle-t-elle ? Certes, ce sont encore les voies du sport de la culture, de la musique… qui les révèlent mais il faut bien un début et après tout ce n'est pas rien ! Reste à reconnaître, faciliter, donner leurs lettres de noblesse à celles de la formation professionnelle, du cursus scolaire, de la connaissance… l'idée du secrétaire d'Etat à la Jeunesse d'initier les universités populaires s'inscrit dans cet objectif. A côté de cela, l'ascenseur social a dû mal fonctionner, le chômage et l'oisiveté jettent encore leur lot de jeunes dans la gueule des pateras, de la drogue, de la prostitution, de l'embrigadement extrémiste… le clientélisme continue son triste chemin et ne serait-ce que pour accéder à la possibilité de passer un concours, postuler à un emploi voire prétendre à une inscription en faculté… trop souvent le pistion ou la corruption font leur office de bourreaux. Nos intellectuels, notre bourgeoisie ( !), notre élite patronale ne peuvent se défausser sur l'Etat ou sur la société civile et se réfugier dans un attentisme confortable. Chacun a son rôle à jouer dans l'insertion de notre jeunesse : l'exclusion est – on le sait-le terreau de toutes les dérives. Or que constate-t-on ? là où ont poussé terrains de sports, maisons de jeunes, centres culturels… là où les élus, l'autorité ont ouvert portes et fenêtres, l'obscurantisme, la délinquance ont reculé. Là où nous sommes absents fermentent les ingrédients de la relégation et de ses conséquences. D'aucuns se disent à la recherche d'un projet de société, que ne le voient-ils ? Y a-t-il plus noble et plus motivant que l'édification d'une société plus juste, plus humaine sur laquelle notre Roi nous a engagés. Cela passe inévitablement par l'insertion de notre jeunesse ! Et ne se fera pas tout seul ! Directives royales, initiatives du secrétariat d'Etat à la Jeunesse, mobilisation de la jeunesse elle-même, prise de conscience des décideurs à différents niveaux, tout cela nous mène sur le chemin de l'insertion, dont la clé finale demeure certes l'emploi mais dont le chômage ne peut être le verrou. Réflexion, action, participation, responsabilisation, mobilisation sont les « bretelles » de l'autoroute de l'intégration sociale. La jeunesse est à un confluent: elle est à la fois spectatrice et actrice du « choix » qui se pose entre exclusion et insertion, entre progrès et obscurantisme – N'est-ce pas plus largement celui qui se pose à la société tout entière ? C'est sur le terrain que se livre le combat, occupons-le plus encore pour qu'il soit le laboratoire de l'exception que nous représentons dans le monde arabe actuel.