Tout le monde le constate : le mois de Ramadan chez nous donne lieu à des pratiques et des us qui se caractérisent par une grande convivialité mais qui sont en même temps très peu compatibles avec l'esprit et la philosophie de ce mois sacré dans la tradition musulmane. Tout le monde le constate : le mois de Ramadan chez nous donne lieu à des pratiques et des us qui se caractérisent par une grande convivialité mais qui sont en même temps très peu compatibles avec l'esprit et la philosophie de ce mois sacré dans la tradition musulmane. Un mois dont la portée symbolique et le fondement didactique vont bien au-delà de la simple abstinence et du jeûne. C'est une période voulue, dans son esprit, comme un moment de méditation, d'introspection, de remise en cause de l'être, dans ses rapports à la vie, à l'au-delà, à son environnement social et à la vie spirituelle et immatérielle en général. Mais, paradoxalement, et de plus en plus, on constate que c'est devenu le mois de tous les excès et de toutes les dérives, comme disent ceux qui prônent une attitude plus conforme au dogme et à la pratique cultuelle compatible avec l'ascèse et la sobriété. On constate même que l'escalade et la généralisation de ces pratiques très profanes, dans les villages comme dans les villes, sans distinction particulière de catégorie sociale ou d'implantation régionale, vont crescendo et sont inversement proportionnelles à la vigueur apparente du discours moralisateur et religieusement correct. Il n'y a probablement aucun rapport direct et automatique entre les deux tendances. Ce qui, par contre, est mis en évidence, c'est la relation à la fois ambiguë et, en définitive, très humaine, que les Marocains entretiennent avec les choses de la religion. On veut bien se fondre dans les habits d'une sur-piété occasionnelle, participer à une affluence record dans les mosquées et les lieux du culte, sacrifier aux devoirs de solidarité et de charité musulmane, mais en même temps, c'est durant ce mois-ci que les nuits urbaines sont les plus chaudes, que la promiscuité entre sexes est la plus étroite, que les jeux de hasard prospèrent et gagnent des publics qui ne sont pas joueurs le reste de l'année, que la consommation de toutes sortes de produits stupéfiants est de plus en plus répandue, étendant son aire à des usagers qui en font des produits de substitution à d'autres produits prohibés. Ce dispositif de circonstance participe, en tout cas, à l'autre travers qui affecte de plus en plus la pratique du Ramadan dans notre pays, notamment en milieu urbain, à savoir la tendance vers une totale oisiveté qui se répercute dangereusement sur toute forme de productivité ou d'activité économique. En comparaison avec la vie rurale où l'activité vivrière impose son propre rythme et ses cadences spécifiques, et où ce mois de jeûne n'affecte pas particulièrement la vie en général, on a tendance par contre, en milieu urbain, à faire du mois de Ramadan un alibi et un prétexte à toutes formes de passivité et d'ajournements. C'est en cela que les recommandations du Prophète et des doctes de l'Islam appelant la communauté des Musulmans à la modération en toutes choses et à être une société du «juste milieu » sont judicieuses et pertinentes. Elles devraient, par contraste, bannir toute forme d'excès, considéré en Islam comme une forme d'hérésie.