Les armateurs ne font plus confiance aux quais marocains Les croisières au Maroc sont en constante dégringolade. Les derniers chiffres révélés par l'Agence nationale des ports (ANP) confirment la perte de vitesse d'un segment qui pourrait enrichir le tourisme et l'économie du Maroc. Sur les deux premiers mois de l'année, l'autorité portuaire a noté une baisse de 8% des arrivées des croisiéristes. Seules Agadir et Casablanca ont pu tirer leur épingle du jeu en affichant des arrivées en hausse respectivement de 52 et 11%. Cette performance ne réconforte point les opérateurs du secteur qui continuent d'être pessimistes quant à une éventuelle reprise de cette industrie (Voir entretien). Le trend baissier a été entamé depuis presque quatre ans. La baisse a été maintenue au point d'atteindre les 23% à fin 2016, soit l'arrivée de 339.027 croisiéristes aux différents ports du Royaume. Casablanca a affiché, dans ce sens, un repli de 25,9% tandis que Agadir 6,7%. Loin des chiffres, le constat reste alarmant. Les deux façades portuaires du Maroc, à savoir la Méditerranée et l'Atlantique, séduisent de moins en moins les touristes maritimes. «Nous avons malheureusement détruit ce que nous avons mis des années à construire. Les trois dernières années étaient les pires de notre activité, compte tenu de la manière dont nous avons accueilli et traité les croisiéristes», confie Jalil Madih, directeur général d'Alizées Travel, unique membre marocain de l'Association des croisières Lines internationales (CLIA). Certains lient le repli de l'activité des croisières à la situation géopolitique, suite notamment au sentiment d'insécurité qui s'installe dans le monde arabe. Or, les causes sont d'ordre structurel au Maroc. Elles sont plus liées à la qualité de la prestation qu'à son coût. «Nous avons dégradé notre produit nous-mêmes. Le Maroc ne cesse de cumuler des mauvais points quant à la qualité de services fournis dans les ports. Nous sommes arrivés à un seuil où la destination Maroc est carrément écartée de la programmation des armateurs», explique Jalil Madih. L'opérateur pointe du doigt l'anarchie des taxis dans les quais, l'état mécanique défectueux des autocars, la prestation des faux guides et le harcèlement dans certaines villes. Tous ces éléments font du Maroc une destination à éviter. Ceci se répercute clairement sur l'agenda des compagnies. Pour illustrer, Alizées Travel, dont les croisières représentent 70% de l'activité, prévoit pour cette année 24 escales alors qu'elle en a programmé 40 en 2016 et en faisait jusqu'à 190 les dix dernières années. Cette situation est générale à tous ceux qui opèrent sur la destination Maroc. «Les chiffres sont de plus en plus éloquents quand il s'agit de Costa Travel qui réduit de plus en plus sa programmation passant de 40 escales l'année dernières à 12 cette année et 4 l'année prochaine dont trois à Casablanca et une à Tanger», apprend-on du directeur général d'Alizées Travel. Face à ce contexte difficile, les opérateurs ne cessent de tirer la sonnette d'alarme pour une prise de conscience et une mobilisation générale afin de sauver cette activité qui vieillit rapidement et par conséquent les ports en cours de construction qui risquent de rester vides les trois prochaines années. Les opérateurs déplorent par ailleurs l'absence de concertations avec les autorités portuaires afin de booster cette activité et redorer le blason du quai marocain. Une série de recommandations est émise. Elle porte essentiellement sur le lobbying. La finalité étant de faire découvrir aux armateurs internationaux les atouts de la destination Maroc. Mais l'urgence reste relative à la levée du niveau 2 d'alerte dans les ports marocains. «Le niveau 2 d'alerte veut systématiquement dire qu'il s'agit d'un port à risque. Il impacte beaucoup notre activité, car cela nécessite un certain nombre de procédures. L'armateur est donc obligé d'envoyer ses équipes pour vérifier si tout est dans les règles. Quand ces personnes arrivent et n'ont pas accès à tout ce qu'elles demandent, elles feront automatiquement des rapports négatifs sur la destination impactant ainsi son rating», affirme Jalil Madih. Notons que les croisières représentent une niche importante pour le Royaume. En témoigne le coût économique de cette activité. Un croisiériste dépense en moyenne 140 euros au moment où une escale peut générer environ 400.000 dirhams. En calculant ces chiffres sur la base d'une moyenne de 450.000 arrivées, il ressort une dépense moyenne d'environ 4 milliards de dirhams. Les revenus réalisés au niveau des ports par rapport aux escales atteindraient les 120 millions de dirhams. En termes d'employabilité, une escale de 4.000 passagers crée de l'emploi direct et indirect à 600 personnes, soit une belle contribution à l'économie régionale.