Malgré ses aveux et le renvoi en appel d'une première sentence, jugée trop légère, le pédophile de la crèche Ililane Agdal de Rabat n'écopera que de cinq ans de prison. Consternée, Najia Adib, mère d'une des victimes de Saïd Ouha, n'entend pas s'arrêter là. Il a abusé sexuellement de dizaines d'enfants dans une crèche de Rabat, pendant plus de 18 ans. Devant les charges retenues contre lui, preuve par l'ADN à l'appui, il ne tardera pas à passer aux aveux. Plusieurs centaines d'enfants de très bas âge, entre 3 et 4 ans, auraient été victimes de ses sévices. D'aucuns s'attendaient à une peine des plus lourdes. Logique face à l'horreur des crimes commis. Mais il n'en sera rien. Saïd Ouha n'écopera, en première instance, que d'une peine de deux ans de prison, assortie d'une amende de 10.000 DH. Scandaleux. Mais c'était sans compter avec le courage et la détermination d'une femme, celle qui a mis fin aux crimes odieux et à répétition de ce gardien de crèche, âgé de 56 ans et célibataire de son état. Najia Adib portera l'affaire, tambour battant, devant la Chambre criminelle (2ème degré) de la Cour d'appel de Rabat. Celle-ci a porté, lundi dernier, la peine à 5 ans de prison ferme, assortie d'une amende de 30.000 dirhams, pour viol d'un mineur. Ceci, alors que le code pénal prévoit entre 10 et 20 ans pour ce genre de crimes et alors que la défense de la victime avait requis une lourde peine et le versement par l'accusé d'une amende de 500.000 dirhams. Mais là aussi, il n'en sera rien. « Il mérite au moins 15 ans de prison ferme. Et je n'arrive pas à comprendre pourquoi la responsabilité de l'établissement scolaire, théâtre des actes sauvages dont mon enfant a fait l'objet, a été écartée», s'exclame celle dont l'enfant, et malgré le suivi médical et psychologique, n'arrive toujours pas à oublier l'horreur d'un criminel en blouse bleue. Une horreur qui remonte au 28 mars 2003, date à laquelle Najia Adib découvre un drame auquel cette fonctionnaire n'était pas prédestinée. Ni elle ni son mari, professeur universitaire. Ils menaient une vie somme toute ordinaire avec ses petits bonheurs et ses petites crises habituelles de fin de mois; ils s'évertuaient garantir la meilleure éducation qui soit à leurs enfants, tous deux scolarisés dès leur tendre enfance dans le privé. «On ne vit que pour et à travers nos enfants », déclare-t-elle. Mais un jour la jeune maman découvre sur les sous-vêtements de Ayoub, une grosse tache d'un liquide blanc et visqueux. Du sperme. Du haut de sa crise de nerfs, elle interroge son fils. Ce dernier balbutie une dizaine de prénoms de ses camarades de classe, avant d'annoncer le nom du gardien de la crèche Ililane, située dans le quartier Agdal à Rabat. Proie depuis des mois aux pulsions perverses du gardien, avec une moyenne de trois fois par semaine, le petit Adib n'était pas le seul, de l'aveu même de l'agresseur. Mais, à ce jour, les Adib sont les seuls à porter plainte. Les autres parents, cités dans les documents de l'enquête policière, préférent plutôt taire l'affaire prétextant la sensibilité de leur position sociale. Avec le test ADN, les aveux de l'agresseur et les faits établis, les parents espèrent un jugement rapide. Le procès durera 14 mois. Pendant plusieurs semaines, le juge a exigé la présence du petit Adib. Présence pourtant fortement déconseillée par ses médecins traitants. Devant l'insistance du magistrat, l'enfant finira par venir témoigner. Un véritable traumatisme. Le jugement, pour le moins inique sera doublé de l'acquittement pur et simple de l'Etablissement. Fermée en juin 2004, la directrice de l'Académie régionale de Rabat, Tijania Fertat, ayant retiré l'autorisation d'ouverture à cette école, la crèche, sous une appellation à peine reliftée, a rouvert ses portes, en septembre. La fermeture n'aura donc duré que le temps des vacances. Et pour cause, l'Académie de Rabat a eu à statuer sur un nouveau dossier. La directrice de l'école en question, Yamina Laârej, a présenté un nouveau dossier. L'école s'appelle désormais Ililane-Agdal au lieu de Illilane et a un nouveau directeur pédagogique. Les tentatives d'avoir la version de la directrice ont été vaines. Mais on sait que son principal argument reste que le gardien doit répondre seul de ses actes. La mère n'en continue pas moins son combat. Elle fait aujourd'hui de la lutte contre la pédophilie son combat personnel. Initiatrice de «Touche pas à mon enfant», Najia Adib est sur tous les fronts. L'association s'était constituée en partie civile pour assister et soutenir les familles des victimes du tueur pédophile de Taroudant. On lui doit également le courage d'une autre famille, dont la fille, âgée d'à peine 7 ans, aurait été la victime d'un instituteur dans une école publique à Rabat. Une affaire toujours en cours. Ayant entamé ses activités en 2004 avec à peine 9 membres, l'association en compte actuellement une bonne centaine. Pour Mme Anouar, sa présidente, le plus grand problème auquel « Touche pas à mon enfant » fait face reste le mutisme des parents et famille des victimes. « On a beau leur expliquer qu'ils ne sont en rien coupables, mais plutôt des victimes, les parents n'osent toujours pas porter plainte contre les crimes de pédophilie au Maroc. Loin d'être un cas isolé, le cas de Ayoub n'est qu'un exemple parmi tant d'autres, dans les crèches, les écoles primaires publiques et, surtout, dans les écoles coraniques », déclare-t-elle. D'une maman qui défend son fils, Najia Adib s'est mue en symbole de courage et de combat contre la pédophilie, mais aussi contre le mal numéro un de notre pays : le silence. Car, et comme elle tient à le préciser, « c'est de l'avenir des futurs hommes et femmes de ce pays qu'il est question ».