Entretien avec Zakia Driouich, secrétaire générale du département de la pêche maritime ALM : Le plan Halieutis a été lancé depuis quelques années. Quel bilan dressez-vous des réalisations faites par rapport aux objectifs tracés ? Zakia Driouich : Le bilan est largement positif comme en témoignent les progrès réalisés dans chacun des axes de la stratégie. Au niveau de la durabilité, nous avons construit notre action sur le renforcement de la recherche scientifique, en consolidant sa gouvernance et ses moyens, et sur la mise en place d'une quinzaine de plans d'aménagement des pêcheries. Actuellement, 94% des captures débarquées au Maroc sont gérées durablement, c'est-à-dire par le biais de plans d'aménagement et de mesures de gestion, l'objectif d'Halieutis étant d'atteindre 95% en 2020. Nous avons également équipé les navires de pêche en système de géolocalisation par satellite et une procédure de certification électronique des captures a été mise en œuvre pour assurer la traçabilité des produits et lutter contre la pêche INN (NDLR: Illicite, non déclarée, non réglementée). Qu'en est-il des deux volets de la compétitivité et de la performance ? Pour ce qui est de la performance, nous avons entrepris un large programme de renforcement de la performance des infrastructures de débarquement et du réseau de commercialisation des produits de la mer. Concernant le premier volet, 40 sites aménagés de pêche artisanale ont été réalisés. Concernant la commercialisation des apports de la pêche, notre action a porté sur la réalisation d'une quinzaine de halles de nouvelle génération dans les ports de pêche et d'un réseau de 10 marchés de gros de poisson permettant de disposer de centres régionaux de distribution à même de rapprocher les lieux de débarquement et de commercialisation. Parallèlement, nous avons généralisé l'utilisation des contenants normalisés pour le débarquement et la vente de poisson. Ces différentes mesures ont permis une hausse annuelle moyenne des débarquements en volume de 4,4% sur la période 2010-2016, portant la production à environ 1,5 million de tonnes en 2016, soit 88% de l'objectif assigné pour 2020. De même, le PIB cumulé du secteur atteint 15 MMDH en 2015, soit une hausse annuelle moyenne de 7,7% depuis 2007 ou encore 82% de l'objectif 2020. Concernant la compétitivité, les investissements industriels privés ont totalisé 2,1 MMDH sur la période 2010-2016. Les exportations des produits de la pêche ont atteint 19,4 MMDH en 2015, soit 68% de l'objectif 2020. Les produits de la pêche sont exportés dans plus de 130 pays et le Maroc est leader mondial dans l'exportation de conserves de sardines pilchardus, de semi-conserves d'anchois et de poulpe congelé. La durabilité est l'un des axes majeurs de cette stratégie. La gestion des pêcheries par plans d'aménagement et les différents outils (contrôle, VMS) mis en place pour assurer l'axe durabilité sont importants. Quel état des lieux ? En effet, la durabilité est le gage de viabilité de toute politique des pêches, l'objectif étant d'exploiter durablement la ressource halieutique dans l'intérêt des générations futures. Pour y parvenir, nous avons effectivement mis l'accent sur l'introduction de nouveaux plans d'aménagement des pêcheries. Aujourd'hui, ce sont les professionnels du secteur qui en sont demandeurs car les mesures instaurées leur permettent d'avoir plus de visibilité sur leurs activités et sécuriser leurs investissements. Cela a été rendu possible grâce à une meilleure connaissance et suivi des ressources halieutiques. La recherche halieutique a joué un rôle majeur dans cette dynamique depuis le lancement d'Halieutis. Nous avons également renforcé le contrôle des activités de pêche, notamment par l'équipement des navires en balises VMS (Vessel Monitoring System) et leur suivi depuis le centre national de surveillance de Rabat. Les résultats obtenus nous confortent quant à la pertinence de notre vision. La certification «Pêche durable et responsable» a été engagée. Où en est-on dans le processus de cette labellisation ? Le département de la pêche maritime a procédé au déploiement opérationnel des orientations de la stratégie de labellisation selon deux démarches, à savoir l'encouragement de l'éco-certification, pour mettre en avant les pratiques de la pêche durable, et la préparation de la mise en place du label halieutique afin de soutenir les efforts de qualité entrepris par l'ensemble des acteurs de la filière. Ce chantier, qui mobilise les pouvoirs publics et les opérateurs, est en cours de réalisation. Plusieurs projets de valorisation ont été lancés notamment au niveau du Sud. Quelles sont les retombées de ces projets sur le secteur ? Effectivement, plusieurs projets ont vu le jour dans la valorisation des produits de la pêche. Dans les provinces du Sud, nous avons conclu des conventions d'exploitation et de valorisation des petits pélagiques avec 6 investisseurs privés pour la réalisation de conserveries de poisson à Dakhla. L'investissement consolidé atteint 1,2 MMDH et permettra la création de plus de 4.000 emplois en mer et à terre. Les travaux de construction de ces unités sont en cours de réalisation au sein de la zone industrielle du port de la ville. Le département de la pêche maritime assure la coordination de ce projet avec l'ensemble des acteurs concernés, publics et privés. Hormis les retombées sociales attendues, ces projets permettront d'élever la contribution des produits valorisés dans la production nationale et de renforcer les exportations des produits de la pêche marocains. Ils favoriseront également la valorisation locale des captures et la dynamisation de l'industrie dans la ville de Dakhla. Dans le but de faire de l'aquaculture un moteur de croissance majeur l'ANDA a été créée et des appels à manifestation ont été lancés. Pouvez-vous nous donner l'état des lieux de ce volet? L'aquaculture figure comme une filière prioritaire dans notre stratégie et est amenée à constituer un levier de croissance et un vivier d'emplois. Notre vision s'est traduite par la mise en place d'un cadre institutionnel spécifique au développement de ce secteur et donc par la création de l'ANDA en 2011, appelée à agir sur les leviers d'intégration pour créer un environnement favorable à l'expansion de l'aquaculture. La stratégie de l'ANDA repose particulièrement sur la mise en place d'un cadre juridique spécifique à cette activité et surtout sur la planification aquacole du littoral marocain. Dans ce cadre, un grand programme de planification territoriale de l'aquaculture a été lancé et a priorisé l'élaboration de 5 plans aquacoles couvrant pratiquement tout le littoral national. L'offre émanant du plan aquacole de la région de Dakhla-Oued Eddahab a été lancée entre octobre 2015 et avril 2016 pour l'exploitation de plus de 6.500 ha, répartis sur plus de 800 unités de production. Les offres relatives aux régions du Souss Massa et Guelmim-Oued Noun verront le jour en 2017 tandis que celles portant sur les régions de Tanger-Tetouan-Al Hoceima et de l'Oriental seront lancées 2018. Il est à souligner que notre pays se démarque par cette démarche de planification pour le développement d'une aquaculture responsable. Nous avons en effet privilégié l'amorçage de cette industrie sur de bonnes bases scientifiques et techniques au lieu de prioriser l'intensification accélérée de l'installation des fermes aquacoles sans considérer les prérequis nécessaires à sa viabilité.