Enquête. Les architectes attendent impatiemment la proclamation du 1er prix du concours du Musée Royal du Patrimoine et des Civilisations. Il s'agit de l'un des plus grands projets culturels initiés dans notre pays. La lenteur dans l'annonce du vainqueur donne lieu à toutes les rumeurs. Quelles sont les raisons de ce silence ? Tout a été pensé grand pour le Musée Royal du Patrimoine et des Civilisations. Un budget de 270 millions de DH. Le programme de l'étude global du projet a été confié à l'un des meilleurs spécialistes du monde en la matière, Patrick O'Byrne. Ce dernier est l'auteur de l'étude pour le réaménagement du Louvre, du musée d'Orsay, ainsi que celle du musée national d'archéologie du Caire. «Nous avons financé les travaux d'étude pour une somme de près de 1,2 million de DH. Nous nous sommes réjouis qu'il soit fait par un homme aux compétences indéniables, parce que le projet de ce musée nous tient particulièrement à cœur», dit Jean-Christophe Deberre, conseiller de coopération et d'action culturelle auprès de l'Ambassade de France. Sans programme, il ne peut y avoir de projet de construction. Ce programme constitue l'étape préalable et nécessaire au travail des architectes. La première phase de cet immense projet a été donc menée à son terme. Le site retenu pour la construction se situe près de l'ancienne résidence de Lyautey à Rabat. Cette résidence devrait servir de structure d'accueil. Le maître d'ouvrage, le ministère de la Culture et de la Communication, a ensuite lancé un appel d'offres, conformément aux lois régissant les concours d'architecture. Vingt-deux cabinets d'architectes ont concouru pour ce projet. Ils ont rendu leurs projets dans les délais. Une commission d'experts s'est réunie au mois de juillet pour se prononcer sur les six premiers prix. Et depuis, tout le monde attend. Cette lenteur dans la proclamation des lauréats donne lieu à tous les bruits, y compris à des rumeurs. Les architectes s'impatientent. La position du ministère de la Culture est pourtant sans ambages. Une responsable nous a dit : «Le règlement des concours d'architecture obéit aux lois du marché de l'Etat. En application de cette réglementation, nous ne pouvons énoncer le résultat définitif qu'une fois le procès final est signé par un représentant du ministère de la Culture, un représentant du ministère chargé des Finances et un représentant du Contrôle des Engagements de Dépenses de l'Etat». Mais pourquoi tardent-ils tant à le signer? L'architecte Aziz Lazrek, qui a concouru pour la réalisation du musée, s'étonne de ce retard. Il anticipe déjà sur le pire, c'est-à-dire l'abandon de la réalisation. Il dit : «Si la réalisation du projet est tombée à l'eau, on peut primer un projet. Cela est fréquent en matière d'architecture.» Il ajoute : «Ce qui est regrettable, c'est le mépris dans lequel on tient 22 équipes. En se comportant d'une façon cavalière, on méprise les gens et leur travail. La prochaine fois, quand le ministère de la Culture lancera un concours, je réfléchirai deux fois avant de présenter un projet. J'ai fait ce concours et je le regrette profondément !» Il est difficile de se prononcer sur les raisons qui sont à l'origine de ce silence. Selon plusieurs architectes, le choix du site serait en cause. Il est en effet coincé entre l'ancienne résidence de Lyautey et la rue. Mais cette difficulté n'en est pas vraiment une. Les architectes savaient depuis le début à quoi se tenir. Et c'est dans les espaces ardus qu'un architecte montre l'étendue de ce qu'il sait faire. La deuxième raison invoquée par les intéressés a trait à l'un plus grands projets d'urbanisme à Rabat : le réaménagement de la vallée du Bou-Regrag. Il est prévu que cette vallée va comprendre des structures culturelles. L'architecte Abdelouahed Mountassir nous confie : «Si le gel de ce grand projet s'explique par la création de pôles culturels autour du bassin de Bou-Regrag, c'est légitime ! Parce qu'il ne resterait pas grand-chose pour aménager cette vallée si tous les grands chantiers culturels aboutissent ailleurs. Et comme on ne peut pas les transférer, il est normal d'initier de nouvelles études, mais à condition d'indemniser les gens qui ont travaillé». En plus du musée précité, les grands projets en question sont : le musée national d'art contemporain dont les travaux de construction ont été arrêtés, la Bibliothèque nationale et le Musée des Arts Chorégraphiques. Quatre grands chantiers de nature à dynamiser la vie culturelle dans notre pays. Tout le monde réclame ardemment leur réalisation. S'ils tombent à l'eau, on espère que ce sera dans l'eau du Bou-Regrag, mais pourvu qu'ils voient le jour !