La chaîne Al-Manar a été frappée d'interdiction par le Conseil d'Etat français, à la demande du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Pourtant, la chaîne libanaise ne sera pas pour autant bannie, puisqu'elle est acheminée par d'autres canaux de diffusion vers l'Europe. «Cette décision est une atteinte à la liberté d'expression, un déni des principes prônés par la France et un dangereux précédent.» C'est en ces termes que les responsables de la chaîne du Hezbollah ont qualifié la décision d'interdiction prise à l'encontre d'Al-Manar. Une décision qui fait suite aux récents avertissements dont a fait l'objet la chaîne libanaise. Motif invoqué par le juge administratif : « Diffusion d'émissions contenant une incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de religion ou de nationalité.» Un motif figurant dans le registre des interdits de la Loi sur l'audiovisuel. «Eutelsat a informé Arabsat de la décision du Conseil d'Etat et Arabsat va informer à son tour la chaîne Al-Manar de manière officielle », a affirmé Giuliano Berretta, P-DG d'Eutelsat, dans des déclarations relayées par la presse française. Mettre fin à la diffusion d'Al-Manar requiert le recours à deux procédures distinctes. Soit c'est la société émettrice, Arabsat, qui devra cesser de diffuser la chaîne libanaise, figurant dans un bouquet de neuf chaînes. Autrement, c'est la société Eutelsat qui fermera les vannes à partir de son satellite. Mais l'on doute que les responsables d'Arabsat restent les bras croisés, au risque de se voir lourdement sanctionnés. En effet, Arabsat n'a aucunement intérêt à ce que les choses se passent de cette façon. Et pour cause. Au cas où ce serait la société Eutelsat qui procède à la suspension de la diffusion d'Al-Manar, Arabsat trinquera de façon conséquente. Car, c'est tout le bouquet numérique qui sera destiné à la disparition, Eutelsat ne pouvant procéder par élimination unitaire. «Si Arabsat refuse d'arrêter la diffusion d'Al-Manar à la source, c'est-à-dire en l'excluant des neuf chaînes arabes émises en multiplex sur Eutelsat à partir de Tunis, Eutelsat prendra la décision de couper l'ensemble du bouquet. ( ) C'est moi-même qui vais prendre toute la responsabilité et les arrêter», a précisé Giuliano Berretta, formulant l'espoir «qu'Arabsat choisirait la solution la plus facile et la plus pacifique et saurait prendre une attitude responsable». Pour sa part, Emmanuel Piwnica, l'avocat de l'opérateur, ce dernier a souligné que «la décision a été prise à l'égard d'Eutelsat, Eutelsat est soumise à la loi française, Eutelsat respectera la loi et respectera la décision du Conseil d'Etat». «Il va de soi qu'Eutelsat appliquera sans la moindre hésitation cette décision», a-t-il indiqué. Cependant, il serait utopique de croire que cette interdiction empêchera les Européens de regarder Al-Manar, diffusée grâce à sept satellites en Asie, aux Etats-Unis, en Amérique du Sud et en Europe. Son interdiction reste illusoire et l'on est, ainsi, loin d'être venu à bout de la chaîne Al-Manar. Dans ce contexte, trois satellites assurent l'acheminement d'Al-Manar vers le Vieux continent. Une simple réorientation de la parabole permettrait de passer outre l'interdiction qui aura permis, somme toute, aux responsables français d'avoir la conscience «tranquille». Tranquille, certes, mais pour combien de temps ? Il est à souligner, à ce propos, qu'Eutelsat diffuse près d'une centaine de chaînes non-autorisées. Combien d'entre-elles posent problème de quelque nature que ce soit et comment le CSA et le Conseil d'Etat vont-ils procéder afin que leur décision, concernant Al-Manar, soit objective et s'inscrive dans une optique purement démocratique ?