Les dispositions du texte sont jugées imprécises et en déphasage avec la réalité du terrain. Qui plus est, les professionnels rapportent que la loi renforce le caractère coercitif des sanctions, notamment par la révision à la hausse des amendes et l'institution de sanctions privatives de liberté. La loi 66-12 relative au contrôle et à la répression des infractions en matière d'urbanisme et de construction, adoptée le 19 septembre dernier, provoque une virulente levée de boucliers parmi les professionnels de la construction. Cinq métiers du secteur, à savoir les promoteurs immobiliers, les entreprises de BTP, les architectes, les bureaux d'ingénierie et les ingénieurs géomètres topographes rassemblés sous la bannière de leurs fédérations et ordres respectifs ont déjà publié il y a près de deux semaines un communiqué où ils expliquent «rejeter en bloc ce texte de loi rédigé de manière hâtive et unilatérale sans aucune concertation préalable avec quelque professionnel que ce soit». Vendredi dernier encore, les mêmes corps de métier, peu habitués à unir leurs forces pour défendre leurs intérêts, sont revenus à la charge en tenant une conférence de presse en marge du Salon international du bâtiment pour exprimer leurs griefs contre la nouvelle réglementation. Les professionnels reconnaissent d'abord que le nouveau cadre a un intérêt certain dans la mesure où il entend réglementer l'auto-construction et lutter contre l'habitat non réglementaire à travers l'obligation d'obtenir le permis de réparation ou d'entretien auprès du président du conseil communal dans le cas des travaux pour lesquels le permis d'habiter n'est habituellement pas exigé ainsi que la nouvelle possibilité de demander un permis de régularisation ou de mise en conformité pour les personnes ayant procédé à des constructions illégales, après accord de l'agence urbaine et du président du conseil communal. Des problèmes d'harmonisation de la nouvelle réglementation avec des lois existantes Mais dans le cas des chantiers menés par des professionnels de la construction, le cadre ne peut être que pénalisant, de l'avis des opérateurs. En effet, les dispositions du texte sont jugées imprécises et en déphasage avec la réalité du terrain. Qui plus est, les professionnels rapportent que la loi renforce le caractère coercitif des sanctions, notamment par la révision à la hausse des amendes et l'institution de sanctions privatives de liberté. Cela inquiète au final les professionnels qui craignent à l'avenir de se faire sanctionner injustement sur la base d'un cadre mal défini. Pour illustrer leurs propos, les opérateurs citent la procédure entourant le contrôle des chantiers qui, selon la loi, doit désormais se faire par des agents de la police judiciaire ou des auxiliaires de la wilaya, de la préfecture et de l'administration, habilités à cet effet. Le rôle, les responsabilités et le champ d'intervention des agents devant encore être fixés par un texte réglementaire, cela laisse, selon les professionnels, un vide juridique ouvrant la voie à des abus de pouvoir de la part des auxiliaires de l'autorité locale. Une autre disposition de la loi considérée comme abusive consiste en la possibilité au contrôleur de procéder à des visites de chantiers inopinées, ou sur demande de plusieurs entités (autorité administrative, agence urbaine, auxiliaires des autorités ou toute personne ayant justifié la demande...). Au volet des sanctions, la loi prévoit, entre autres, que l'auxiliaire de l'autorité ordonne l'arrêt immédiat du chantier à la constatation des infractions. Le chantier reste fermé pendant que la procédure enclenchée à l'issue de la constatation des faits suit son cours. «Or, l'investisseur n'a pas le droit de contester ni de demander recours», pointent les professionnels. S'il refuse l'arrêt du chantier, l'autorité procède en plus de la fermeture immédiate du chantier à la réquisition des machines, outils et autres biens appartenant au promoteur. De fait, selon les opérateurs, «un abus de la part des autorités constituerait une réelle menace sur le chantier et la vie du projet: arrêt de chantier, perte de temps, procédures judiciaires et administratives pour débloquer la situation, procédures pour récupérer les biens et machines...». Les tares pointées par les professionnels concernent encore des problèmes d'harmonisation de la nouvelle réglementation avec des lois existantes. D'abord des contradictions sont relevées, notamment avec la loi sur l'urbanisme ainsi que celle concernant la vente en l'état futur d'achèvement (VEFA). Ensuite, les opérateurs soutiennent que la loi 66-12 fait parfois référence à des textes inexistants, ce qui peut encore une fois ouvrir la voie à des pratiques abusives. Les professionnels citent à titre d‘exemple l'article 63 de la loi qui dispose que «la démolition ne peut se faire qu'après obtention de l'autorisation de démolir délivrée par le président de la commune». «Or, dans la pratique cette autorisation n'est jamais délivrée. Elle se fait systématiquement à l'obtention de l'autorisation de construire malgré la demande des promoteurs», soutiennent les professionnels. Avec les risques que fait peser la nouvelle loi sur l'activité des opérateurs de la construction l'on se doute bien que ceux-ci ne devraient que redoubler d'effort pour infléchir le cours des événements. Ils comptent à cet effet mettre en place un comité interprofessionnel qui planchera sur des propositions de modification de la loi. D'ici là, en raison de la défiance que suscite le nouveau cadre, il n'est pas exclu que l'activité du secteur du bâtiment, déjà mise à mal par plusieurs autres facteurs, en prenne un coup.