Le regain de dynamisme et d'activité dont fait preuve actuellement la Cour spéciale de justice (CSJ) suscite un certain nombre d'interrogations et d'inquiétudes, tant dans le milieu des affaires que parmi les juristes. Le regain de dynamisme et d'activité dont fait preuve actuellement la Cour spéciale de justice (CSJ) suscite un certain nombre d'interrogations et d'inquiétudes, tant dans le milieu des affaires que parmi les juristes. Mais avant même d'évoquer ces questions qui se prêtent aux débats et à la polémique, il est un aspect très peu évoqué et qui relève des droits de l'Homme et du simple respect de la douleur humaine et de la peine des familles. Les personnes incarcérées récemment dans les affaires de la BCP et du CIH sont censées bénéficier de la présomption d'innocence au même titre que tout autre justiciable. Or, tout se déroule comme si elles avaient été déjà condamnées et jugées coupables. Elles sont privées de leur liberté alors qu'elles disposent de toutes les garanties et les cautions qui leur auraient permis de se présenter devant le juge en état de liberté. Leurs noms et leurs familles s'en trouvent jetés en pâture à la vindicte publique et à la vox populi, très perméable à tout ce qui ressemble de près ou de loin à l'esprit revanchard et à la loi du talion. Les hauts cadres des établissements bancaires et des institutions financières, voyant le sort de leurs anciens collègues, sont de plus en plus enclins à la passivité et à une forme de grève du zèle qui ralentit davantage le traitement de dossiers en souffrance. Ceci leur semble d'autant plus injuste et inique que les vrais bénéficiaires des largesses de leurs établissements respectifs et des passe-droits en tous genres, à savoir les clients indélicats de leurs obligés, ne sont que très peu inquiétés, quand ils ne jouissent pas de l'impunité la plus absolue. Mais, au-delà de ces malheurs humains, il s'agit aussi, pour la nation tout entière, de veiller à ne pas se mettre en marge de la communauté internationale, en matière de droit et de juridiction comme sur le plan des autres droits universellement reconnus. La Cour spéciale de justice est de plus en plus mise en cause comme une juridiction d'exception incompatible avec le principe universel de l'égalité des hommes et des femmes devant la justice. Celle-ci suppose un certain nombre de garanties et de garde-fous qui ne sont pas observés pour les mis en cause devant la CSJ. Les intérêts des prévenus ne sont pas préservés, que ce soit du point de vue du principe de la séparation des pouvoirs, ou du respect du droit à la défense ou encore en matière de qualification des délits et de la compétence de ladite juridiction en la matière. Les spécialistes mettent en cause une série de distorsions, d'amalgames, d'abus et d'interférences qui portent préjudice à l'image de la justice de notre pays. Une question d'autant plus sensible qu'elle touche le monde des affaires et de l'investissement qui concerne à la fois des opérateurs nationaux et étrangers. Dans un contexte de plus en plus globalisé où il faut faire jouer les atouts de compétitivité et de concurrence, le Maroc ne peut en aucun cas aller à contre-courant des standards internationaux en matière d'assouplissement des procédures et de leur uniformisation. Le maintien d'une juridiction d'exception, dans ces conditions, est au minimum un motif de réserve et d'appréhension, quand il n'est pas un facteur dissuasif et décourageant pour tous ceux qui auraient un quelconque intérêt pour notre pays.