Les collecteurs de déchets ménagers, appelés aussi «mikhala», contribuent fortement à la dynamique environnementale. Il s'agit là du premier maillon de la chaîne de recyclage au Maroc. Ils assurent aussi, mis à part le tri d'ordures qui doit être effectué en amont dans les ménages, l'approvisionnement de plusieurs industries en matières premières nécessaires. Toutefois, l'activité demeure dominée par l'informel. ALM a partagé le quotidien de l'un de ces travailleurs volontaires. Tour d'horizon… C'est dans une benne d'ordures qu'Abdelmoula gagne son pain quotidien. Il sillonne les rues d'Agadir, tirant sa charrette de 6h du matin jusqu'à 15h de l'après-midi. Il y entasse une dizaine de boîtes en carton, plusieurs bouteilles en verre, tout ce qui traîne en plastique et puis quelques canettes de soda en aluminium. Ensuite il revendra son fameux «butin». C'est auprès d'un propriétaire de terrain vague clos, appelé aussi dépôt, qu'il écoule sa marchandise. «Le plastique est vendu au kilogramme, et c'est le cas aussi des autres matières, à savoir le carton, le verre et l'aluminium. Une fois au dépôt, la collecte est pesée et retriée selon la consistance de la matière, ou la couleur en ce qui concerne le verre et le plastique», explique Abdelmoula. Ensuite le reste est broyé pour être revendu à d'autres grossistes. Le chiffonnier n'hésite pas à nous détailler sa recette. «Je vends le kilogramme de plastique à 1,50 DH. Le verre est beaucoup moins cher, je gagne à peine 0,20 DH par kilo. L'aluminium rapporte beaucoup plus, avec 3 DH/kg», apprend-on d'Abdelmoula. Seul le carton est vendu à une usine spécialisée dans la matière qui le recycle et le réutilise directement. Le carton est alors vendu à 0,50 DH/kg. Et de préciser aussi que les prix sont fixes pour tous les dépôts de la région. Il est clair que pour pouvoir assurer un revenu suffisant, le collecteur de déchets ménagers doit miser sur la quantité. Pour s'assurer un bénéfice de 100 dirhams par jour, il doit livrer au propriétaire du dépôt 25 kg de plastique, 40 kg de verre, 70 kg de carton et au moins 3 kg d'aluminium. Ce qui n'est pas toujours possible. Mais malgré le «service» écologique que rendent les «mikhala» à la société civile, la précarité de l'activité demeure omniprésente. Le manque d'équipements appropriés peut facilement entraver la collecte de la journée. «Avec les charrettes, nous avons du mal à circuler dans les embouteillages, et nous nous retrouvons parfois dans l'obligation de repasser par les mêmes quartiers. Ce qui nous fait perdre beaucoup de temps», confie le chiffonnier. Outre le matériel qui manque, ces travailleurs volontaires font aussi face au mépris de la société civile. «En me voyant fouiller dans les poubelles, on me prend souvent pour un fou ou un clochard», relève-t-on d'Abdelmoula. Et de poursuivre : «Si nous avions des tenues spécifiques, cela changerait sûrement le regard que la société porte sur nous». Victimes d'une activité qui demeure sous l'ombre de l'informel, les «mikhala» alimentent toutefois une sorte d'économie souterraine. «Le mikhali vend sa marchandise à des particuliers propriétaires de grands terrains clôturés. Les déchets recyclables sont alors stockés et revendus à d'autres entreprises qui revalorisent la matière première», apprend-on d'Amine Hammi, président de la Fédération nationale des villages et villes verts. A noter également que la matière première revalorisée peut même être exportée vers les grandes industries internationales (Chine, Etats-Unis, Canada, etc.). Pour le président de la fédération, la précarité de l'activité des collecteurs de déchets recyclables demeurera omniprésente tant qu'il n'y a pas de réglementation au niveau du secteur. «Il s'agirait d'un commerce qui pourrait générer 2,3 milliards de dirhams de TVA par an, pour seulement 5.400 mikhalis», explique Amine Hammi. Un chiffre qui représente actuellement 1% de la TVA collectée chaque année. Meryem Laftouty (Journaliste stagiaire)