Une véritable «percée diplomatique», et ceci à tous les niveaux. C'est ainsi que les observateurs traduisent la décision du Maroc de réintégrer l'Union Africaine (UA). Annoncée par SM le Roi Mohammed VI, dimanche 17 juillet, lors du 27ème sommet de l'UA qui se tient dans la capitale rwandaise Kigali, cette décision intervient pour mettre fin à 32 années de siège vacant au profit des adversaires du Maroc. «Cela fait longtemps que nos amis nous demandent de revenir parmi eux, pour que le Maroc retrouve sa place naturelle au sein de sa famille institutionnelle. Ce moment est donc arrivé». Ces mots du Souverain interviennent dans un contexte où, pour le bien de l'Afrique, il n'est plus question de faire cavalier seul. Si les raisons pour lesquelles le Maroc a quitté cette organisation il y 32 ans de cela sont toujours d'actualité, d'autres facteurs ont changé. Ce n'était pas un «Afrexit» Le retrait du Maroc s'est décidé un 12 novembre 1984. Visionnaire, Feu SM Hassan II avait clairement expliqué lors du 20ème sommet de l'OUA, ancêtre de l'UA, qu'il ne s'agissait point d'une désunion du continent. « Africain est le Maroc. Africain il le demeurera. Et nous tous Marocains restons au service de l'Afrique... nous serons à l'avant-garde pour préserver la dignité du citoyen africain et le respect de notre continent... », peut-on lire dans ce discours datant de trois décennies et plus que jamais d'actualité. A l'origine, ce fut l'admission de l'OUA en son sein de la pseudo république arabe sahraouie démocratique «Rasd» qui a provoqué le retrait du Maroc d'une organisation dont il est pourtant pays fondateur. Rappelant ces faits, le Souverain a souligné dans son discours que «la reconnaissance d'un pseudo Etat était dure à accepter par le peuple marocain», avant d'ajouter: «Ce fait accompli immoral, ce coup d'Etat contre la légalité internationale, ont amené le Royaume du Maroc à éviter la division de l'Afrique au prix d'une douloureuse décision, celle de quitter sa famille institutionnelle». «Le Maroc revient quand il veut et comme il veut» Cela dit, un contexte international marqué par l'impératif d'une action commune pour faire face aux défis sécuritaires et assurer un meilleur positionnement mondial pour l'Afrique aurait fait que le retour du Maroc soit décidé sans conditions. En réaction à la volonté du Maroc de réintégrer l'institution qu'il avait quittée il y a 32 ans, le chef de l'Etat tchadien, Idriss Déby Itno, président en exercice de l'Union Africaine (UA), a indiqué hier en marge du sommet de l'organisation que : «Le Maroc a le droit de revenir dans la grande famille quand il veut et comme il veut». Contacté par ALM, le politologue Driss Kassouri confirme que la réintégration de l'UA est en parfaite cohésion avec les ambitions du Maroc en Afrique. «Le monde fonctionne autrement aujourd'hui. Défendre les intérêts de l'Afrique et du Maroc se fait en ayant un pied au sein d'une organisation comme l'UA. Ici, le Maroc est à mi-chemin du processus de prise de décision à l'échelle internationale et c'est ici que le Royaume devrait intervenir et défendre son intégrité territoriale en s'opposant aux scénarios avec lesquels les ennemis de la Nation instrumentalisent l'opinion publique et sur la base desquels des rapports mensongers sont transférés au Conseil de sécurité de l'ONU». Erreurs de parcours Une analyse qui se confirme dans le discours de SM le Roi Mohammed VI, qui estime en faisant référence à l'Afrique que «quand un corps est malade, il est mieux soigné de l'intérieur que de l'extérieur». Il ajoute dans ce sens que «le temps est venu d'écarter les manipulations, le financement des séparatismes, de cesser d'entretenir en Afrique des conflits d'un autre âge, pour ne privilégier qu'un choix, celui du développement humain et durable, de la lutte contre la pauvreté et la malnutrition, de la promotion de la santé de nos peuples, de l'éducation de nos enfants, et de l'élévation du niveau de vie de tous». Il est toutefois à souligner que l'adhésion ne signifie absolument pas reconnaissance ou perte de souveraineté. Le Souverain, tout en exprimant la volonté du Maroc de réintégrer cette institution africaine, dit être confiant dans la sagesse de l'UA, pour rétablir la légalité et corriger ce qu'il décrit comme erreurs de parcours. Le Royaume devra siéger à côté du «Polisario» lors des activités de l'UA et celles du Parlement africain, il ne s'agira aucunement d'une «reconnaissance de la pseudo RASD». Pour le politologue Driss Kassouri, «ces sensibilités seraient même dépassées», et nos représentants seront amenés à écouter des interventions de la part de certains chefs d'Etat hostiles à l'intégrité territoriale du Royaume. «Ceci est une occasion pour le Maroc de faire entendre sa voix au sein de l'UA et non de l'extérieur», note-t-il. Serait-ce la carte gagnante ? L'engagement et l'ambition affichée du Maroc pour le développement du continent n'étant plus à démontrer, il suffit de rappeler que malgré ses moyens limités, il est à l'heure actuelle deuxième investisseur du continent après l'Afrique du Sud. Pour le Souverain, devenir le premier ne serait qu'une question de temps. En jouant cette carte de réintégration de l'UA, le Maroc semble même avoir tout à gagner, tant sur le plan politique qu'économique. «Le Royaume a adopté une nouvelle approche diplomatique. Il gère désormais sa crise de manière très directe et nous avons assisté récemment à cela dans des questions de discorde avec la France, les Nations Unies ou encore la délégation européenne», ajoute Kassouri. Sur le plan économique, la même source rappelle que d'importants partenariats commerciaux ont été noués avec les pays du Golfe qui ne cachent d'ailleurs pas leur engouement pour l'Afrique. «Ces relations devraient impérativement s'accompagner par un fort positionnement du Maroc au sein de l'UA. Notre pays doit être la porte d'accès de ces pays pour le continent».