La troisième édition du Festival International de la Poésie de Casablanca aura lieu du 9 au 12 octobre. Lors d'une conférence de presse tenue mardi dernier, les organisateurs ont insisté sur le caractère unique de cette manifestation dans le monde arabe et ont annoncé le nom du poète qui a remporté le prix Argana. L'idée surprend ! Un festival international de poésie dans une ville dont on dit rarement qu'elle est poétique. Casablanca et le cinéma, c'est connu. La ville a donné son titre à un film mythique. Mais Casablanca et la poésie, il faut vraiment chercher pour lui trouver des attaches poétiques. Les organisateurs de la troisième édition du festival international de la poésie n'ont pas trouvé mieux que l'Océan. L'affiche du festival montre une mer calme avec du sable à l'apparence douteuse. Mais la mer est aussi un poncif de la poésie. «Salut à toi ô grand Océan !» chantait Lautréamont, l'un des poètes les plus sulfureux, pour régler son compte une fois pour toutes à la poésie des bords de mer. C'est dire que le pari est audacieux. C'est dire que l'idée d'organiser une manifestation poétique à Casa est peut-être -par sa bizarrerie même- poétique. En tout cas, les organisateurs sont déterminés à associer le nom de cette ville à un noble genre littéraire. Et ils sont en passe de réussir leur pari. «Nous voulons donner à Casablanca la dimension poétique qui revient de droit aux gens qui y habitent. Casablanca n'est pas seulement une ville industrielle, c'est une mine inépuisable de ressources poétiques !» s'est écrié le poète Mohamed Bennis, président de la Maison de la Poésie au Maroc qui organise la manifestation. Il était en compagnie du poète Mehdi Akhrif, directeur du festival, du poète Mostafa Nissabouri, d'un représentant de la Fondation Wafabank et de Younès Moujahid, secrétaire-général du Syndicat national de la presse marocaine. Le poète Bennis a souligné que l'apparition du festival de Casablanca a coïncidé avec la création de plusieurs manifestations du genre dans le monde. Il a contribué à la réputation de la poésie marocaine dans plusieurs pays. Cet intérêt pour les poètes de notre pays s'est traduit par la publication d'un petit nombre d'anthologies. Mais la manifestation est internationale, et elle est à cet égard ouverte aux poètes du monde. Et pour preuve, la liste des noms invités à Casablanca. Ceux qui aiment la poésie contemporaine seront surpris par la qualité des poètes invités. Le Portugais Casimiro de Brito, les Italiens Claudio Pozzani et Maurizio Cucchi, le Bahreïni Quassem Haddad, le Palestinien Ghassane Zaktane, le Slovaque Dane Zajc, le Suédois Lasse Söderberg, le Chinois Bei Dao, le Chilien Luis Mizon, l'Anglais Adrian Mitchell, le Jordanien Amjad Nasser, les Français Marie-Claire Bancquart et Bernard Noël et le Tunisien Moncef El Wahaïbi. Côté marocain, il y a Ahmed Balbdaoui, Ahmed Lemsiyeh et Mohamed El Mimouni. Ces hommes de lettres feront des lectures poétiques dans trois lieux différents à Casablanca : au complexe culturel Touria Sekkat, au complexe culturel Sidi Belyout et à la Préfecture Al Michouar (Habous). Une lecture de poésie est un moment intime qui mérite un éclairage et une scénographie particuliers. C'est pour cette raison que la mise en scène des soirées poétiques a été confiée à Abdelwahed Ouzri et qu'il a été demandé à des instrumentistes d'accompagner les lectures des poètes. En plus des soirées poétiques, deux colloques sont programmés. Le premier, intitulé «La tribu poétique méditerranéenne: le feu du silence» sera animé par le penseur et philosophe Jean-Luc Nancy. Le second, «La Méditerranée la traversée des poétiques», verra la participation de deux grands poètes du bassin méditerranéen : Adonis et Bernard Noël. La conférence de presse a été marquée par l'annonce de l'attribution du prix Argana au grand poète chinois Bei Dao. D'une valeur de 8000 dollars US, pris en charge par la Fondation Wafabank, ce prix récompense un poète âgé d'au moins 50 ans et dont la poésie et l'engagement dans vie sont indissociables. Bei Dao a fait partie du groupe d'écrivains qui ont rendu visite au poète palestinien Mahmoud Derwich à Ramallah. Sa poésie, traversée par le souffle de la liberté, se caractérise par un travail sur des constructions verbales inaccoutumées, mais porteuses de sens. Il écrit dans l'un de ses poèmes : «Pour rêver/ tu as besoin d'une forme». On peut méditer ces deux vers pendant des jours sans en pénétrer le mystère.