Le mode de scrutin par liste et le bulletin unique sont les nouveautés les plus marquantes de l'actuelle expérience électorale. Un premier bilan de leur effet sur la campagne électorale. Si l'objectif de toutes les élections démocratiques est d'assurer une représentation réelle des citoyens au sein des institutions législatives, il est évident que le mode de scrutin à la proportionnelle permettra de dégager une représentation plus apparentée à la volonté de l'électeur. Car, désormais, les députés seront élus par un plus grand nombre d'électeurs, à l'encontre du mode de scrutin uninominal qui permettait à un candidat d'être élu grâce à quelques voix de plus exprimées dans une circonscription limitée. Une différence qui n'exprimait pas vraiment la volonté de l'électorat. Avec les élections qui ont lieu aujourd'hui, il y a lieu de mettre en valeur les deux innovations les plus marquantes sur le moyen d'exprimer cette volonté à savoir le mode de scrutin par liste et le bulletin unique. Certes, une évaluation générale de l'efficacité de ce nouveau système serait peut-être hâtive, mais une appréciation de ses conséquences sur la campagne électorale s'impose. D'abord, la liste a eu un effet considérable sur trois éléments de la campagne électorale : les candidatures au sein des partis politiques, la fraude électorale et le choix exprimé par les électeurs. Pour les partis politiques, le choix de la liste comme mode de scrutin a provoqué un large débat dégénérant, dans certains cas en des affrontements voire même des scissions. Un phénomène qui n'est pas tout à fait négatif si l'on sait que, sur le long terme, il créera plus de démocratie au sein de nos formations politiques et provoquera une dynamique partisane salutaire. En effet, les débats qui ont précédé la présentation des listes de candidature a permis à toutes les instances dirigeantes des partis de déceler tous les dysfonctionnements organisationnels dont ils souffrent. Dans les prochaines quatre années, ils auront donc à réfléchir aux moyens d'adapter leurs structures à ce nouveau mode. Sur la fraude électorale, il y a un effet certain. Le candidat n'a plus ni les moyens ni la possibilité de marchander son élection avec l'électeur. Avec l'ancien système, la communication entre les deux était si étroite que les transactions étaient plus faciles. D'autant plus que les billets de vote aux multiples couleurs en facilitaient la mise en application des accords frauduleux. L'électeur, de son côté, a franchi un pas des plus importants dans sa formation politique et civique. Cette campagne électorale a initialisé le citoyen marocain sur la vraie signification de la couleur politique. Ainsi, la méthode des symboles, bien qu'elle paraisse rudimentaire et primitive, a permis à l'électeur d'identifier plus la formation que le candidat. Dans le langage quotidien des gens, on a pu déceler que le message électoral était axé sur le symbole. Et le fait qu'il y ait deux listes à voter, nationale et locale, a appris au citoyen qu'il a une certaine obligation morale à voter le même parti pour les deux. Pour ce qui est du bulletin unique, nul ne peut nier le rôle déterminant que ce choix a joué dans l'assainissement des pratiques électorales. Pour la première fois dans l'Histoire électorale marocaine, le rôle de l'argent a été largement réduit et son utilisation pour l'achat des voix n'a pu être concrétisée. Bref, ces élections ne sont que le début d'un long processus où expériences, enseignements s'accumuleront pour instaurer une culture et des pratiques démocratiques et en faire une culture nationale et citoyenne.