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Algérie : L'impossible réconciliation?
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 17 - 09 - 2002

Trois ans après l'instauration de la concorde civile, l'Algérie est loin d'en avoir fini avec la menace intégriste et le fossé ne cesse de se creuser entre une population déçue et un pouvoir discrédité.
Le 11 septembre dernier, pour expliquer les effets positifs engendrés par « la politique de concorde nationale votée par le Parlement et approuvée par référendum» le 16 septembre 1999, le président Abdelaziz Bouteflika avait rappelé à ses détracteurs les années difficiles où «les Algériens regagnaient leur domicile avant 18 heures», ces années où «régnait la peur» à travers le pays.
Trois années après la consultation populaire qui a permis la mise en place de cette loi destinée à amnistier les islamistes «non impliqués dans des crimes de sang ou de viol» et à ramener la paix en Algérie, le bilan est cependant loin de tourner à l'avantage du chef de l'Etat. Dès la première année de la concorde, et malgré les libérations massives de militants islamistes incarcérés, les exactions s'étaient d'ailleurs poursuivies à un rythme régulier et tendaient même à s'accentuer. Ce qui laissait déjà présager de la situation actuelle : plus d'un millier d'Algériens ont été tués par des groupes armés cette année. Au moins 150 durant le mois d'août et déjà près de 80 ce mois de septembre. Massacres dans les villages, faux barrages routiers, embuscades sur les troupes militaires, bombes artisanales, les violences s'intensifient dans les campagnes comme les villes. Le GIA et sa dissidence du GSPC, créée le 14 septembre 1998, ont cependant leurs repères et opèrent dans « leurs » régions de prédilection, respectivement à l'ouest et à l'est d'Alger. Ce dimanche, deux militaires ont d'ailleurs été tués et 20 autres blessés lors d'une opération de ratissage dans l'est du pays près de Skikda dans une zone contrôlée par les fidèles d'Hassan Hattab : le triangle Bissi-Bentous-Filfila. La veille, une sablière privée près de Tizi-Ouzou, avait aussi été attaqué par une soixante d'éléments armés, causant d'énormes dégâts.
Certes, estimait ce lundi le quotidien La Tribune, l'Algérie «ne risque plus, comme cela a été le cas il y a près d'une décennie, de se voir muer en Etat islamique en dépit de pesanteurs rétrogrades persistantes, y compris dans des institutions et des pratiques étatiques» mais la population est «lasse des souffrances d'un terrorisme islamiste qui dure mais aussi de toutes les pratiques antidémocratiques, à commencer par celles du pouvoir en place».
En témoigne la situation en Kabylie, région explosive depuis six mois. Malgré l'interdiction de «toute manifestation défavorable à la tenue du scrutin du 10 octobre», qui vise directement la coordination kabyle, la campagne anti-vote relancée par le mouvement Aârouch continue actuellement de progresser grâce à l'organisation de plusieurs meetings et rencontres dans les trois wilayas de la région. Les délégués du mouvement citoyen y appellent régulièrement les candidats des partis en lice à «assumer leurs responsabilités citoyennes en se retirant de la course électorale et de militer, au même titre que l'ensemble des citoyens, en faveur de la satisfaction pleine et entière de la plate-forme d'El-Kseur» qui rassemble les revendications kabyles.
Le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) poursuit lui aussi sa campagne en faveur du rejet des élections locales du 10 octobre tandis que le Front des Forces Socialistes ne cesse de payer son changement de position depuis les législatives du 30 mai. En lice pour ce scrutin – alors qu'il avait boycotté le précédent- le FFS essuie depuis deux semaines la colère des Kabyles qui incendient ses locaux, les pillent, menacent ses candidats. Samedi, un siège du parti, à Béni Ksila, a encore été saccagé puis incendié après ceux de Tibane, Tifra, El-Kseur et Bouhamza la semaine dernière. Avec des islamistes déterminés à terroriser la population, une Kabylie en état permanent d'implosion, une société en plein désarroi et un pouvoir discrédité, l'Algérie, si elle ne parle plus de «guerre civile», est en tout cas aujourd'hui très loin de la réconciliation nationale.


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