C'est à Taza que naquit, le 30 septembre 1963, celui qui allait devenir le patron de la Rédaction de notre confrère Libération. Mohamed El Gahs est candidat aux Législatives à Sidi Bernoussi, dont le «fondateur» serait un «ouali» venu de sa tribu d'origine, Labrans. De son père, un enseignant devenu directeur d'école, il aura cette quête de l'instruction et du savoir, présente dans une famille faite presque d'enseignants. L'amour de la terre viendra de ses grands parents, agriculteurs. Humour et hospitalité, il les tirera de sa mère, issue d'une famille de notables, dont la maison était grande ouverte aux visites des amis et connaissances. C'est ce milieu qui pèsera de tout son poids sur le devenir de Mohamed El Gahs. Les souvenirs de sa ville natale, où il a fait toute sa scolarité, du primaire au baccalauréat, sont toujours gravés dans sa mémoire. Les copains d'enfance, l'école, les constats et la découverte de l'injustice. Et puis, le père est toujours là. Ancien Istiqlalien libéral, il a su inculquer son sens de l'autorité. Celui de l'ouverture d'esprit aussi. «Il nous a appris à discuter, dire un point de vue, contester. Il avait cette manie de provoquer et de polémiquer. Cela marquera le fils, toute la vie. Les conditions de l'époque, les années soixante-dix amèneront Si Mohamed à la politique et à l'engagement. A un âge précoce : 14 ans. Une image reviendra souvent. Celle d'un meeting sur l'assassinat du leader ittihadi Omar Benjelloun. Une salle de cinéma pleine à craquer, un discours enflammé et une présence policière massive à l'extérieur. Un état de siège. Le père, modéré, explique au fils les paradoxes. A quinze ans, il est le plus jeune secrétaire régional de la Jeunesse de l'USFP. Cet engagement, il le doit à son aîné Azzouz Jariri, responsable du Parti à l'époque, qui l'influencera. Un militant comme on en voit peu de nos jours. Il avait «abandonné ses fonctions officielles pour se consacrer corps et âme à la cause, mettant ses biens au service du combat». La conjoncture politique aidant, l'USFP «disposait de 36 cellules militantes» au lycée de Taza. Fort de cette expérience précoce, Si Mohamed découvrira la France et son vivre-vite au début des années quatre-vingt. C'est la découverte du racisme, la réalité de l'émigration marocaine et la vie estudiantine qui renforceront ses convictions et son engagement politique. A Nancy, où il a poursuivi des études d'économie, de gestion et, plus tard à Strasbourg, de journalisme, il militera dans plusieurs organisations françaises. De l'UNEF-UD au PS, en passant par SOS Racisme. Et puis, il y a l'USFP et l'UNEM, le grand combat contre les gauchistes et la position anti-marocaine de la Gauche française. L'ex- matheux (il a un bac sciences mathématiques) était plus destiné à être un consultant ou un cadre d'entreprise. Fin 1993, c'est le retour au pays. Il pensait être plus utile à son pays, ici. Ses amitiés avec des dirigeants de l'USFP et les services rendus au parti en France (il était membre du Secrétariat de l'USFP) allaient lui faciliter la tâche, à laquelle il ne s'attendait pas. L'hebdomadire «Libération», qui était interdit suite aux événements de 1981, était devenu quotidien. Il prendra le train en marche avec des objectifs de développement. Un souffle de modernité et de professionnalisme sera insufflé à l'organe central. Il deviendra le support du projet social démocrate et attirera la foudre des tenants de la langue de bois. Il contribuera amplement à l'émergence de la nouvelle culture et à la clarification idéologique. Cette situation se répercutera également sur la vie du journal et les rapports professionnels. Non sans résistance notable. Les nouvelles valeurs sont désormais le sérieux, la crédibilité, l'intégrité morale et l'utilité (pour le pays). Les idées de la social-démocratie, encore impensables pour d'aucuns, font leur chemin. En partie grâce à lui. Il continue à se battre pour le projet. Mohamed El Gahs a acquis, par son travail et sa persévérance, une grande notoriété dans la profession. C'est un bosseur infatigable. Grand fumeur et consommateur d'eau, il ne mangerait pas de la journée si le devoir le dictait. Tous, y compris ses pires adversaires, lui reconnaissent sa compétence, sa rigueur et son humanisme. Même si on lui reproche, parfois, un certain penchant, dans l'analyse, pour l'Hexagone, des transpositions de situations non similaires. Parfois aussi, un certain excès de zèle, une impulsivité et des sautes d'humeur injustifiés, outre un style qui a tendance à privilégier le superflu, sont relevés par les confrères et quelques proches amis. C'est un tout dans l'homme. Un mélange de grandes qualités et de quelques petits défauts. L'essentiel est qu'il se distingue par une sincérité sans faille et un engagement acquis. Il reconnaît sa nervosité que seule la mer, qu'il adore, peut calmer. Mais aucune rancune. Sa vie a fait de lui un homme de grande lecture, de dévoreurs de livres et de films. Un grand amoureux du cinéma et de la télé. Des grands débats. El Gahs candidat aux Législatives! ça étonne un peu. En tout cas, Si Mohamed laisse son ego de côté et préfère la discipline partisane, même si cela ne crée « que des inconvénients sur le plan personnel ». Il entend aller à la pêche et se battre. Comme cela était son quotidien, depuis qu'il a épousé la cause contre l'injustice et les disparités. Deux chevaux de bataille pour défendre ses chances dans une circonscription « immense » mais sans aucun poids lourd politique : réhabiliter le politique et défendre la démocratie contre les non-démocrates. Ce n'est pas si évident, en l'absence de moyens financiers et de structures efficaces et sûres, de relais du message politique. Mais qui sait? En tout cas, de l'avis général, Mohamed El Gahs restera mille fois préférable à tous ceux dont l'activité principale est la magouille, l'hypocrisie, le mercantilisme politique et l'opportunisme béat. Au Parlement, ses sympathisants pensent qu'il incarnera une voix qui fera résonner le changement, la modernité et le progrès.