Profitant du climat créé suite aux attentats du 11 septembre pour intensifier ses attaques militaires contre la population palestinienne, le gouvernement israélien entretient la confusion entre la résistance palestinienne et le terrorisme islamiste. Dans la foulée des attentats du 11 septembre, l'on s'attendait à un apaisement du conflit israélo-palestinien. Un sentiment que la politique américaine, cherchant à fédérer aussi bien les Etats que les opinions publiques arabes, a confirmé. Il n'en a rien été. La coalition de lutte anti-terroriste mise sur pied par le gouvernement américain afin de punir les auteurs des attentats, à savoir le Saoudien Oussama Ben Laden et son réseau d'Al Qaïda, s'est transformé en couverture pour les agissements d'Ariel Sharon, qui souhaitait en finir avec un travail qu'il poursuivait à l'époque depuis sept mois. L'objectif était clair: détruire l'Autorité palestinienne et ce qui reste de ses infrastructures en commettant le plus grand nombre d'assassinats parmi les dirigeants et la population palestiniens. L'incapacité, ou plutôt l'absence d'une véritable volonté de l'administration républicaine de mettre fin à une Intifada qui se déchaînait est allée de pair avec l'habileté, par ailleurs remarquable stratégiquement, du Premier ministre israélien à utiliser le traumatisme post-11 septembre à son propre avantage. C'était alors que toute l'attention était tournée vers la tragédie que le peuple américain était en train de vivre et que tous les efforts de la diplomatie européenne se focalisaient sur la mise en place d'une Alliance qui visait la préparation d'une riposte. Sharon, en stratège attitré, n'a pas manqué de profiter de cette compagne antiterroriste mondiale pour brouiller les pistes et instaurer un amalgame entre la résistance palestinienne et le terrorisme, tout comme l'avait fait un Vladimir Poutine contre la résistance tchétchène. Dans les jours qui ont suivi les attentats de New York et Washington, attribués au chef islamiste d'origine saoudienne Oussama ben Laden, Sharon a donné le ton, n'hésitant par dresser un parallèle entre l'ennemi des Etats-Unis et Yasser Arafat. « Si vous (les Américains) avez Ben Laden, nous aussi avons le nôtre », avait-il déclaré au secrétaire d'Etat américain, Collin Powell. Voulant engager le monde arabe dans leur campagne anti-terrorisme, Washington s'était d'abord abstenu de tout commentaire. Mais la politique intransigeante de Sharon et la poursuite des attentats suicide ont modifié leur opinion. Le « parallèle » n'a pas tardé à être établi. Israël a eu les mêmes droits de frapper les « infrastructures terroristes » que les Américains. Tout comme Bush a justifié l'intervention en Afghanistan par le refus des taliban de livrer Ben Laden, Sharon a justifié sa première incursion armée en territoire palestinien autonome par le refus d'Arafat de lui livrer les auteurs de l'assassinat de l'ancien ministre du Tourisme Rehavam Zeevi. Une mission accomplie pour Sharon. Il a réussi à soutirer, en juin dernier, de la Maison Blanche une carte tout aussi blanche de procéder au remplacement d'Arafat, et l'autorité palestinienne avec, par des dirigeants palestiniens «non compromis avec le terrorisme ». Les Palestiniens sont pour Israël, par la voix Raanan Gissin, un des proches conseillers de Sharon, «les otages de l'incapacité de leurs dirigeants à agir contre le terrorisme au cœur même de leur communauté ». L'envers de ce succès israélien est la frustration des Palestiniens. Au lieu de garantir l'emprise totale d'Israël sur les territoires palestiniens, le renforcement de la pression militaire israélienne sur les zones autonomes, la politique d'assassinats ciblés d'activistes palestiniens et la destruction des maisons de leurs familles n'a fait que radicaliser l'opinion palestinienne dans sa résistance légitime à l'occupation israélienne. Le plan de paix saoudien, soutenu par la communauté internationale et fondé sur la reconnaissance de l'Etat d'Israël par le monde arabe en échange du retrait total de Tsahal des territoires occupés depuis 1967, a été très vite oublié. Et les autres tentatives de médiation internationale ne laissent guère espérer d'avancées substantielles. Encore moins maintenant, alors que les Etats-Unis ont fait de l'Irak leur prochaine cible dans leur guerre contre le terrorisme.