Deux ans et demi après l'assassinat de Pim Fortuyn à Rotterdam, l'assassinat de Theo Van Gogh, adversaire déclaré de l'Islam et des autres religions monothéistes replonge les Pays-Bas dans la stupeur. Theo Van Gogh, cinéaste et chroniqueur aussi controversé que populaire aux Pays-Bas, a été assassiné, mardi 2 novembre, à Amsterdam. Âgé de 47 ans, celui qui affirmait être l'arrière petit-neveu du peintre Vincent Van Gogh a été abattu, puis poignardé, par un homme qui circulait, comme lui, à vélo. La police a arrêté le meurtrier présumé à l'issue d'une fusillade au cours de laquelle un agent a été blessé. Il s'agit d'un jeune homme de 26 ans, possédant la double nationalité néerlandaise et marocaine. Dans la soirée, le ministre de l'Intérieur indiquait que le suspect arrêté était sans doute lié à des groupes islamistes radicaux. Cet assassinat à provoqué une vive émotion dans le pays. Une cérémonie d'hommage s'est déroulée mardi soir au centre d'Amsterdam. Diverses organisations arabes ont immédiatement condamné avec une grande fermeté le ou les assassins. L'Union des Marocains et Tunisiens a évoqué "un acte choquant et effrayant". Le conseil urbain marocain d'Amsterdam a parlé «d'un meurtre lâche" et plaidé pour que chacun "garde la tête froide". Quelque temps avant son assassinant, le cinéaste avait reçu des menaces après la diffusion du téléfilm "Soumission" qu'il avait réalisé avec la collaboration d'une femme politique néerlandaise de droite qui avait renoncé à la foi islamique. Theo van Gogh avait été régulièrement critiqué pour ses films controversés. Plusieurs plaintes avaient été déposées contre lui l'accusant d'avoir tenu des propos antisémites, anti-chrétiens et anti-musulmans lors d'interviews ou dans les éditoriaux qu'il écrivait sur son site Internet ou dans un journal néerlandais. Se définissant lui-même comme "un vieux réactionnaire", il estimait ne courir aucun risque physique, n'étant rien d'autre que "l'idiot du village ", Theo Van Gogh n'hésitait jamais à briser le consensus néerlandais. Sur les plateaux de télévision, qu'il quittait souvent avec fracas, il formulait des critiques acerbes contre diverses personnalités. Dans ses films, il s'attaquait à des sujets "difficiles", comme, récemment, l'assassinat du leader populiste Pim Fortuyn, dont le film «0605» consacré à cette affaire, doit sortir dans les salles néerlandaises au début 2005. Pour de nombreux Néerlandais, Theo Van Gogh a été assassiné parce qu'il avait formulé de vives critiques à l'égard, notamment, de l'islam et de la société multiculturelle. Les Pays-Bas comptent en effet une importante communauté d'origine marocaine, forte d'environ 300.000 membres. Dans certaines villes telles qu'Amsterdam et Rotterdam, le population d'origine immigrée, toutes origines confondues, représente près de la moitié des habitants. Le suspect arrêté est un proche des islamistes radicaux, une mouvance dont le "noyau dur" aux Pays-Bas compterait 100 à 200 extrémistes, recrutant principalement auprès de jeunes d'origine étrangère en mal d'intégration, selon les experts. Parmi ces 100 à 200 personnes surveillées de près se trouvent notamment d'anciens combattants d'Afghanistan et de Tchétchénie qui tentent de convaincre de jeunes Néerlandais d'origine maghrébine de se joindre au Djihad. Ces jeunes, souvent des immigrés d'origine marocaine de la deuxième génération, âgés d'une vingtaine d'années, se sentent exclus de la société néerlandaise et ont l'impression qu'ils ne peuvent rien faire de bien, selon une enquête menée par ces services. Selon l'AIVD, seules quelques dizaines de ces jeunes ont été effectivement recrutés jusqu'à présent, alors que la communauté musulmane des Pays-Bas est estimée à environ 900.000 personnes. "Il est important de souligner que la vaste majorité des musulmans résidant dans ce pays sont fermement opposés à la violence et au radicalisme", estiment les services de renseignements. Une nuance mal capté dans une société encore bouleversée par un meurtre éminemment politique.