Des calculs purement électoralistes semblent l'emporter sur toute considération éthique ou doctrinale. L'image de l'ensemble de la galaxie du M.P. est brouillée par cette attitude qui jette davantage de discrédit sur l'action politique en mal de reconnaissance. Pourtant, la crédibilisation de la classe politique est indispensable pour l'enracinement de la démocratie. Au début, c'était le Mouvement populaire. Un parti créé au lendemain de la proclamation de l'indépendance pour contrecarrer, entre autres, le seul parti fort de l'époque, celui de l'Istiqlal. Derrière cette formation, aux tendances socio-démocrates, avec un brin de populisme, des personnalités toujours actives, notamment Mahjoubi Aherdane et Abdelkrim Al Khatib. A voir où a atterri l'un ou l'autre, on saisit le large spectre que couvre la mouvance populaire et, par extrapolation, on peut évaluer son poids sur l'échiquier politique national. C'est que juste après les premières années de l'indépendance, le nouveau parti allait connaître sa première scission, menée par le Dr Al Khatib qui a créé le Mouvement populaire démocratique et constitutionnel. Celui-là même qui allait abriter les islamistes quarante ans après et donner lieu au fameux PJD d'aujourd'hui. Depuis cette première scission, le mouvement de M. Aherdane, qui s'est recentré sur le berbérisme, n'est plus parvenu à resserrer ses rangs, et les mécontents, ceux qui individuellement choisissent de quitter le navire, ou ceux qui l'ont fait en groupe, sont de plus en plus nombreux. Membre de plusieurs gouvernements dans les années soixante-dix, Aherdane est tombé en disgrâce dans les années quatre-vingt. Et en 1986, il est débarqué de son propre parti par un de ses lieutenants, alors ministre des Postes et de télécommunications, Mohand Laenser, devenu chef à la place du chef. L'amghar, lui, sait rebondir, surtout quand on le donnait pour fini. Il rassemble les siens dans un meeting légendaire à Marrakech pour annoncer qu'il est toujours patron du mouvement populaire, devenu pour le reste Mouvement national populaire. L'animosité est à son comble. Aherdane ne peut oublier aisément le coup que lui a porté Laenser, lequel reste sur ses gardes… On s'est alors posé des questions aussi légitimes les unes que les autres. Pourquoi avoir dupliqué le Mouvement ? Ya-t-il vraiment des divergences doctrinales, sachant qu'Aherdane est le dernier à épouser les théories des sciences politiques? Qu'est-ce qui justifie un tel revirement de l'administration envers l'un des siens ?… Le MNP n'est ni dans l'opposition, ni vraiment au gouvernement, mais la personne d'Aherdane reste dans les deux à la fois. L'alternance lui a donné une chance inespérée. Trois de ses ministres sont au gouvernement. Moussaoui, Maâouni et Chbaâtou. Trois de ses fidèles, disait-il, alors que l'on donnait d'autres noms pour les postes ministériels réservés au MNP… Les fidèles s'avèrent moins fidèles que cela et l'Amghar est obligé de se rendre à l'évidence : Chbaâtou qui a flirté avec les scissionnistes de l'an 2000, ceux qui autour de Bouazza Ikken allaient fonder l'Union démocratique, qui est resté au MNP pour préserver son poste ministériel, est aujourd'hui donné pour candidat USFP. Moussaoui, un homme de discipline qui a trop fait pour donner naissance à l'UD se présente aujourd'hui sous les couleurs de ce dernier alors qu'il est toujours ministre MNP. On avait évoqué en 2000 le problème constitutionnel qu'aurait posé la défection des deux ministres . Maintenant qu'ils ont rempli leur mandat, ils ont choisi d'aller là où ils espèrent se sentir mieux. Du moins pour Ahmed Moussaoui… Mais avant d'en arriver là, il y a eu aussi en 1996, la création du Mouvement démocratique et social, dont Mahmoud Archane est le secrétaire général. Après des années au sein du MNP, le maire de Tiflet a décidé de créer sa propre formation, avec entre autres notabilités, le clan des Benzeroual, patrons de Sidi Kacem, qui ont opté, entre temps, pour une autre formation… Quant au Mouvement populaire, hérité par M. Laneser, il n'a pas fait l'économie de scissions lui non plus. Après une période où le parti et sa formation syndicale en sont venus aux gourdins, coups et blessures, l'ordre semble avoir été rétabli par l'installation de Najib Ouazzani à la tête du syndicat à la place de M. Benjelloun. L'ordre n'a été que de façade, puisque le même Dr Ouazzani a fini , lui aussi, par créer son propre parti en 2001. Un large spectre de ce que l'on appelle aujourd'hui la mouvance populaire. Une mouvance qui compte beaucoup de sièges dans le parlement actuel. Elle comptait pas moins de 91 députés, sans les élus du parti d'Al Khatib, avec une proportion de plus de 25% de députés au niveau national. Ce qui n'est pas une sinécure. Ce mouvement aurait pu, du moins, jouer un rôle de catalyseur de la vie politique nationale. Il aurait pu, facilement, faire le jeu de l'opposition sans dégâts tout comme celui de la majorité sans fanfaronnades… Aujourd'hui, il est difficile de cataloguer la mouvance populaire dans un quelconque carcan idéologique. Mais en tant que formations foncièrement de droite, elles pouvaient servir de locomotive d'une droite marocaine à la recherche de repères. A condition que le MP joue clairement le jeu.