Les 26 victimes de la tuerie d'El Khodr, près de Harchoun, dans la wilaya de Chlef, ont été inhumées samedi au cimetière de Bordj Chioukh, devant au moins 15 000 personnes. Le pouvoir est pointé du doigt. Selon le quotidien algérien «Le Matin», citant des témoignages recueillis auprès des citoyens présents à l'enterrement des victimes, des individus suspects ont été aperçus près des habitations, quatre jours avant le massacre. Sans doute bien renseigné, le groupe terroriste savait que les familles visées étaient les seules à ne pas disposer d'armes pour leur défense, contrairement à leurs voisins des douars limitrophes de Boccat Ezzorg et d'El Aïkaïche. Le journal ajoute que le groupe avait opéré en se scindant en quatre sous-groupes pour investir simultanément les quatre misérables demeures, construites en toub à même le lit d'un oued asséché. La quatrième famille a échappé par miracle aux assassins, en sortant par une deuxième porte, pour se réfugier dans un repli de terrain. En quelques minutes, 16 enfants âgés de 6 mois à 12 ans, 4 femmes et six hommes seront égorgés, qui dans son lit, qui au seuil de sa porte. Les terroristes achèveront de façon horrible leurs victimes agonisantes, en leur fracassant la tête à coups de hache. Les tueurs n'ont pas utilisé d'armes à feu pour ne pas éveiller le voisinage. Le carnage s'est fait en silence. Lors de l'enterrement, l'assistance a laissé exploser sa colère, accusant les autorités de laxisme et de laisser-aller. Et de poser ces questions : «Pourquoi n'a-t-on pas armé les familles d'El Khdor, alors qu'on l'a fait pour leurs voisins ?» « Pourquoi n'a-t-on pas relogé ces familles dans des lieux sûrs, comme on le leur avait promis, il y a plusieurs mois ?». Il s'agit du plus important attentat perpétré par des islamistes armés en Algérie depuis le 5 juillet dernier lorsqu'une bombe avait explosé sur un marché de Larbâa (20 km au sud d'Alger), faisant 38 morts et des dizaines de blessés. La région de Chlef est un fief de Groupe Islamique Armé (GIA) de Rachid Abou Tourab. Depuis le début du mois plus de cent personnes ont été tuées en Algérie dans des violences impliquant des islamistes armés, selon un décompte établi à partir de bilans officiels et de la presse. Ces violences, en Algérie, ont fait près de 1.000 morts depuis le début de l'année, selon le même type de décompte. Cette zone avait connu une flambée de la violence le mois dernier où dix personnes avaient été assassinées le 18 juillet à Sobha et sept personnes le 15 à Boukadir, près de Chlef, dans des massacres attribués au GIA. Cinq personnes avaient été également tuées le 6 août à Ammi Moussa, près de Relizane (300 km à l'ouest d'Alger) dans un attentat pérpétré par des islamites armés après près de trois semaines d'accalmie dans cette région. Pour prévenir de tels massacres, les forces de sécurité ont pourtant multiplié les opérations, tuant plus de 60 islamistes armés depuis le début août dont 40 dans les monts de l'Ouarsenis, près de Relizane où sont installés des maquis du GIA. La presse algérienne avait annoncé le 30 juillet la mort du nouveau chef du GIA avec 14 de ses compagnons lors d'une opération des forces de sécurité dans la forêt de Tamesguida, près de Médéa (80 km au sud d'Alger). Cette mort n'a toutefois pas été confirmée de source officielle. Rachid Abou Tourab, qui a succédé à la tête du GIA à Antar Zouabri, tué le 8 février dernier par les forces de sécurité, avait affirmé dans un communiqué annonçant sa nomination comme «émir» qu'il tuerait «sans répit» jusqu'à l'établissement d'un Etat islamique en Algérie. Le GIA, qui rejette la politique de réconciliation nationale du président Abdelaziz Bouteflika, est rendu responsable de la plupart des tueries et attentats contre les civils en Algérie depuis 1992. Depuis cette date, les violences ont fait plus de 100.000 morts en Algérie, selon un bilan officiel. Une autre organisation, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), également opposé à la politique de M. Bouteflika, continue ses exactions, notamment en Kabylie et dans l'est du pays.