Avec le nouveau mode de scrutin, le ticket pour être en position éligible est très cher. Au sein de partis, des rivalités parfois violentes se traduisent par des déchirements et des clivages fratricides. Les parachutages de personnalités nationales en province sont très mal vécus par les militants locaux. La candidature controversée de Abbas El Fassi à Larache illustre parfaitement ce malaise. Les annonces se succèdent. La machine est bien emballée. Le rendez-vous électoral de septembre 2002 aura bien lieu, mais avec un dispositif nouveau, des procédures nouvelles et des actions spécifiques. Le rôle de l'administration, à savoir le ministère de l'Intérieur, a été revu en fonction des nouveaux challenges et conformément aux engagements pris. Dans ce sens, on relève l'annonce faite par le département de Driss Jettou, fixant les dates de dépôt de candidature, de la campagne électorale et confirmant par la même la date du 27 septembre comme jour des élections. La précision est de taille quand on sait que pendant des semaines, on avait l'impression que le respect du calendrier ne sera probablement pas possible. Le conseil des ministres que S.M. le Roi a présidé à Tétouan le 6 août a mis un terme à cette éventualité, avec la confirmation de la date du 27 septembre. Le communiqué du ministère de l'Intérieur est venu régler les dernières touches à un processus entamé depuis quelques mois déjà. Mais ce n'est pas tout. Avec le nouveau mode de scrutin, l'adoption de sigles en lieu et place des couleurs, avec un bulletin unique, le ministère de l'Intérieur a procédé à une simulation d'opération électorale à Témara, dans la région de Rabat. Plusieurs dizaines de personnes, notamment des villageois, y ont pris part. Une manière de les familiariser avec le nouveau mode de scrutin, et à travers eux le reste des électeurs de la région et surtout de peaufiner les aspects techniques de l'opération électorale. Ainsi, on a pu tirer des leçons de cette simulation. Notamment le choix des stylos et la certitude d'un mode pas si compliqué qu'on ne le pensait… Pour le ministère de l'Intérieur, cette opération était un succès, en ce sens qu'elle a montré l'intérêt des citoyens pour les prochaines élections et a permis de corriger certains aspects logistiques. Autre fait marquant de cette période préélectorale, la réunion tenue par Driss Jettou et l'ensemble des walis et des gouverneurs, en fin de semaine dernière. Cette réunion avait pour objectif de les mettre au fait des nouveaux dispositifs et de les exhorter à être plus à même de remplir dans la transparence leur mission. Une transparence qui n'exclut aucunement d'être en mesure de sévir dès qu'il s'agit de dérapage ou d'un quelconque manquement aux règles établies. En clair, les walis et gouverneurs et l'ensemble de leurs subordonnés sont appelés à faire face aux opérations de falsification, d'achat de voix et de pression de divers genres. Plus, des sanctions seraient prises à l'encontre des agents d'autorité qui n'appliqueraient pas ces consignes… D'un autre côté, deux correspondances adressées aux Walis et gouverneurs par Driss Jettou. Ce dernier a voulu être clair en insistant sur l'application à la lettre des dispositions des textes de lois relatifs à l'organisation des élections législatives de septembre 2002. Le responsable du département de l'Intérieur a insisté auprès des représentants du corps des Walis et gouverneurs de faire preuve de neutralité et de se conformer aux textes de loi. Dans une seconde correspondance, le ministre de l'Intérieur a été jusqu'à menacer de sanctions les éventuels contrevenants à la loi et aux directives relatives au bon déroulement des élections parmi les éléments du corps de l'administration territoriale. Dans le même contexte, les directeurs des Walis et des affaires générales au ministère de l'Intérieur ont eu deux réunions vendredi et mardi derniers avec le corps des walis et gouverneurs. Peut-on dire que le département qui supervise les élections, celui de l'Intérieur, a fait ce qu'il a à faire dans le cadre des préparatifs des prochaines échéances ? On ne peut formuler de réponse pour la simple raison que c'est aux opérateurs de le faire. Néanmoins, on relève que côté logistique, les choses sont au point. Reste à voir quel comportement chacun des candidats et chacun des électeurs auront pour que l'opération se déroule correctement. Dans ce sens, soulignons que l'arrestation de deux femmes à Casablanca, entre autres, pour avoir mené illégalement une campagne électorale alors même que la date n'était pas encore annoncée, et monnayant les éventuelles voix, un agent d'autorité qui aurait été sanctionné laissent présager qu'on est entré dans une phase réellement irréversible. L'engagement de Driss Jettou, le ministre de l'Intérieur, à rompre avec des pratiques inadmissibles et à faire en sorte que son département soit un intermédiaire entre l'ensemble des acteurs politiques, sans discrimination aucune, est à interpréter dans le sens de ce nouveau concept de l'autorité qui est en train de prendre le dessus. Ses sorties médiatiques, ses réunions avec les chefs de partis, sont des gages d'une opération telle que les Marocains l'espèrent. Le fait qu'il n'y aura pas de commissions ad hoc pour superviser les élections est un nouveau point positif à relever dans cette précampagne électorale. Effectivement, si par le passé on avait eu recours à cette commission nationale de suivi des élections, c'était pour permettre à tout le monde d'avoir un droit de regard sur le déroulement des opérations et dissiper la méfiance entre les partis. Surtout que la confiance dans l'administration n'était pas vraiment à l'ordre du jour. On peut dire que pour donner une seconde vitesse au processus électoral, cette commission a été nécessaire. Après l'expérience de l'alternance, elle est devenue caduque parce qu'elle renvoie à un concept de transition. Aujourd'hui, tout doit passer par les canaux réguliers. Et c'est à la justice de dire son dernier mot… C'est par là aussi que commence l'Etat de droit…