C'est désormais certain, l'agence émiratie Al Njat Shipping a touché en complicité avec la clinique Dar Salam à Casablanca une commission occulte de 300 Dhs sur chaque candidat dans le cadre des 30.000 emplois fictifs à bord de bateaux de croisière. Trente milles emplois sur des navires de croisière en Europe, c'est une offre énorme. Mirobolante. Comment les pays de l'UE, où le chômage fait aussi des ravages, ont-ils laissé filer une telle aubaine ? La réponse est simple : l'agence émiratie Al Najat n'aurait pas pu sévir dans le vieux continent sans se faire démasquer au quart de tour…Le procédé de l'arnaque à l'emploi en question est trop flagrant pour passer comme une lettre à la poste : tout tourne autour des 900 Dhs cash déboursés par chaque candidat au titre du contrôle médical. Facile à détecter. Aucune excuse n'est recevable même si l'agence Al Najat choisit a priori bien ses proies : les pays sous-développés où le chômage des jeunes sans cesse galopant est vécu comme un drame national et où les responsables sont supposés de ce fait mordre à l'hameçon dès qu'on leur fait miroiter des jobs pour leurs concitoyens oisifs, qui plus est à l'étranger et sur des navires luxueux… Le rêve. Par milliers, les Marocains en mal de situation professionnelle se sont donc rué avec la caution de l'Anapec et du ministère de l'Emploi sur ce qui ressemble à un don du ciel. Abbas El Fassi, ministre de tutelle, n'a-t-il pas cautionné lui-même cette opération devant les représentants de la Nation ? La pièce-maîtresse dans cette affaire a un nom: la clinique Dar Salam à Casablanca, établissement chargé d'examiner les prétendants et d'encaisser l'argent. Une source bien informée nous a confirmé sans l'ombre d'un doute que l'agence Al Najat a touché un dessous de table de 300 Dhs sur chaque candidat, le reste, 600 Dhs, a été empoché par la clinique. La même source nous a assuré que le joli pactole ramassé par l'agence a d'ores et déjà quitté le Maroc. Attirés par l'appât du gain, les patrons de Dar Salam doivent regretter d'avoir joué à ce jeu dangereux en disant “je m'en fisc“ et d'avoir surtout accompli un acte médical pour l'émigration alors qu'ils savaient que l'opération de recrutement était sujette à caution. Quant à l'agence émiratie, elle ne risque pas d'être inquiété. C'est toute l'ingéniosité de ce mécanisme de la fraude qu'elle a auparavant expérimenté au Kenya, en Syrie, en Roumanie et au Pakistan. Officiellement, cette officine propose une opération de recrutement à grande échelle sans contrepartie financière. Mais en sous-main, elle touche de gracieuses commissions. Comment se fait-il que Chafik Rached n'y a vu que du feu ? Par quel cheminement intellectuel, les services du ministre de l'Emploi se sont-ils laissés embringuer dans cette grosse fumisterie ? Comment a-ton pu engager la responsabilité de l'État dans une escroquerie pareille et joué avec l'espoir de plusieurs milliers de Marocains qu'on a soulagés en prime de leur argent ? Décidément, ce sont les gens en détresse qui trinquent toujours. Cette fois-ci, il va bien falloir que chacun assume entièrement ses responsabilités et tire les conclusions qui s'imposent.