Tony Blair a une nouvelle fois été contraint de se justifier sur l'Irak dimanche, le calvaire de l'otage britannique, Ken Bigley, risquant à tout moment de "plomber" le congrès travailliste où le Premier ministre espérait enfin pouvoir parler de politique intérieure. Venu sur le canapé de David Frost, devant les caméras de la BBC, à Brighton (sud de l'Angleterre), pour présenter le programme du Labour, avant des élections législatives attendues au premier semestre 2005, le chef du gouvernement britannique a, une fois de plus, été rattrapé par l'Irak. Et c'est l'islamiste jordanien Abou Moussâab al-Zarqaoui, à la tête du groupe qui a enlevé Ken Bigley le 16 septembre en plein Bagdad, qui semble dicter son agenda en risquant à tout instant d'annoncer l'exécution de cet ingénieur originaire de Liverpool (nord-ouest de l'Angleterre). "Nous n'avons rien de nouveau pour l'instant", a reconnu M. Blair, refusant "de susciter de faux espoirs en raison de la nature des personnes à qui nous avons affaire". "Nous faisons tout ce que nous pouvons faire de façon honnête et légitime", a-t-il insisté, écartant toute possibilité de tractations avec les ravisseurs, le groupe Tawhid wal Jihad (Unification et Guerre sainte). Tony Blair a certes réussi à glisser un couplet sur la bonne santé de l'économie britannique, mais la majeure partie de l'entretien, d'une bonne demi-heure, est restée focalisée sur Bagdad. Et pour la première fois, peut-être, dans une tentative d'amadouer les nombreux militants et élus travaillistes opposés à la guerre en Irak, le chef du gouvernement a concédé qu'une "erreur avait probablement été faite" en démantelant trop rapidement l'ancienne armée de Saddam Hussein, après la fin des combats, le 1er mai 2003. Refusant de reconnaître la moindre autre erreur d'appréciation ou un quelconque manque de préparation pour l'après-guerre en Irak, M. Blair a répété que les auteurs des attentats-suicide et des attaques qui endeuillent presque quotidiennement Bagdad et le reste du pays "ne sont pas des Irakiens mais des gens venus de l'extérieur qui veulent utiliser l'Irak comme champ de bataille". Refusant de s'excuser pour avoir débarrassé l'Irak de Saddam Hussein", Tony Blair est également revenu sur la polémique au sujet des les armes de destruction massive dont l'ancien dictateur était censé disposer. Il a ainsi reconnu une nouvelle fois que "les informations des services de renseignement britanniques sur des armes réellement déployables se sont révélées fausses". "Mais Saddam Hussein avait l'intention et le désir de construire de telles armes", a-t-il répété, rejetant l'argument du secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, selon qui cette guerre était illégale. Désireux de consacrer le congrès annuel du Labour à la présentation de son programme pour un troisième mandat de Premier ministre, Tony Blair devrait un discours mardi, prononcer avec à l'esprit des sondages de plus en plus sévères pour son action à Downing Street. Selon des chiffres publiés dimanche dans le ”News of the World”, le Labour serait pour la première fois depuis plus de 20 ans en troisième position des intentions de vote, avec 28%, distancés par les libéraux-démocrates (29%) et les conservateurs (32%). Un autre sondage, publié dans l'”Independent on Sunday”, est certes plus rassurant, avec les travaillistes légèrement en tête (32%) devant les "tories" (30%) et les "lib-dems" (27%). Mais ce score serait amélioré de quatre points si le candidat du Labour était non pas Tony Blair mais Gordon Brown, son ministre de l'Economie.