La guerre en Irak a entamé un autre tournant qui était jusque-là en veille : celui d'engloutir bien des carrières. Après la liquéfaction spectaculaire de José Maria Aznar, voilà qu'une autre figure du trio va-t-en-guerre se retrouve sous le feu des critiques. Le tour est venu pour Tony Blair de passer à la caisse. Longtemps critiqué pour son engagement aveugle aux côtés des Etats-Unis, le Premier ministre britannique fait face, aujourd'hui, aux plus acerbes des réprobations. Même parmi les siens, Tony Blair n'est plus à l'abri. Tenu sous haute protection policière dans la ville balnéaire de Brighton, le Congrès des travaillistes est lourdement imprégné des conséquences de l'engagement britannique dans la guerre en Irak. Si Tony Blair tient coûte que coûte à faire de la politique intérieure son cheval de bataille en perspective des prochaines élections, sa base travailliste ne l'entend pas de cette oreille, insistant sur le débat sur l'Irak lors de son congrès annuel. Quoi de plus normal puisque c'est bel et bien le dossier irakien qui domine, depuis plus de deux ans, l'actualité politique britannique. Conscient des critiques et de la foudre qui accompagnent tel dossier, Tony Blair, dont la popularité est sans relâche minée par la question, tente dans un ultime espoir d'éluder pareille situation. D'où son insistance à mettre en avant sa politique intérieure. Mais c'est sans compter sur la détermination des militants travaillistes et certains représentants syndicaux qui ont opté pour l'Irak, parmi les cinq thèmes majeurs à débattre lors de leur congrès. Le dernier jour du rassemblement, jeudi prochain, l'Irak sera ainsi à l'honneur à la tribune travailliste. Parallèlement, le sort de l'otage britannique, Kenneth Bigley, menacé de mort et dont le sort est aujourd'hui incertain, n'est pas sans verser de l'huile sur le feu. Son devenir et le silence du Premier ministre britannique à son sujet pesaient de tout leur poids sur l'ambiance du congrès, lundi. « Le silence de Tony Blair au cours des dix derniers jours est le baiser de la mort pour mon frère », a accusé Paul Bigley. Les propos virulents, que le frère de l'otage tenait dans un appel téléphonique, ont été diffusés sur haut-parleurs lors d'une réunion de l'aile gauche anti-guerre du Labour, convoquée en marge du congrès, dimanche dernier. Dans son élan récriminatoire, Paul Bigley a remis cela lundi, appelant Tony Blair, sur les ondes de la BBC, à faire preuve de dignité et à présenter sa démission. « Tony Blair est un gentleman et un homme d'Etat. Mais je pense que sa date de péremption est dépassée et il doit partir. Il doit y avoir des visages nouveaux, une politique nouvelle et un nouveau dialogue », a souligné Paul Bigley à la BBC. Malmené depuis que la Grande-Bretagne a commencé à faire les frais de son implication dans la guerre en Irak, Tony Blair semble promis, à l'instar de son vieux compère José Maria Aznar, à une voie de garage tout aussi édifiante. De l'autre côté de la planète, sur le nouveau continent, le troisième et principal acteur de l'invasion de l'Irak est en passe de subir les outrages du même hurricane. Il semble qu'il n'est plus qu'une question de temps.