Une armée de commerçants chinois écume depuis quelques mois les grandes villes et les villages du Maroc. Seul mot d'ordre: engranger le maximum de devises. Voyage au bout d'une communauté hermétique qui a plus d'un tour dans son sac. L'Association marocaine des importateurs de jouets et produits assimilés a tiré la sonnette d'alarme sur la réalité del'invasion des produits made in China qui prend de plus en plus d'ampleur. Faut-il avoir peur des Chinois ? Qualifiée d'"inédite", une vaste filière d'immigration clandestine chinoise à destination de la France et de l'Italie a été démantelée par la deuxième Division de police judiciaire (DPJ), apprend-on lundi de source policière française. Les policiers estiment que c'est la première fois qu'une filière internationale asiatique fait appel à des Européens ou des Nord-africains. Près de 500 clandestins auraient utilisé, ces 12 derniers mois, ce réseau transitant par l'aéroport Charles-de-Gaulle. Ayant chacun près de 20.000 euros pour faire le voyage. Neuf personnes, entre instigateurs et complices dont des Marocains, qui fournissaient les faux passeports, ont été interpellés et mises en examen dans le cadre de ce dossier. Cette affaire, impliquant des Marocains, vient confirmer les dures accusations à l'encontre des Chinois, récemment implantés au Maroc. L'Association marocaine des Importateurs de Jouets et Produits assimilés a formulé une pétition afin de «tirer la sonnette d'alarme sur la réalité de la présence chinoise à Casablanca». L'association s'élève ainsi contre «les pratiques déloyales et anticoncurrentielles, les fausses déclarations, les sous facturations qui sont les règles de base de la concurrence chinoise». L'un de ses membres, sous couvert d'anonymat, va jusqu'à parler de pratiques mafieuses, bien connues en Asie, que les 1 200 chinois récemment débarqués au Maroc ont ramenées avec eux. Selon ses dires, la corruption, élevée au rang de sport national, permet d'ouvrir les portes les plus fermées. Pis, le Maroc est désormais une plate-forme, selon l'AMIJ, «pour faux investisseurs qui se servent de notre pays comme tremplin pour le transfert et le détournement de capitaux». L'arrestation en France des membres de la filière chinoise pourrait confirmer cette thèse ! Un commerçant de Derb Omar perçoit l'implantation chinoise comme une menace avec une stratégie bien huilée. Après avoir pris possession de la Kissariat China City, en location et jamais en propriété, la nouvelle étape porte sur la location de la Kissariat Tissir au 52 route de Médiouna à Casablanca. Les visées chinoises vont également aux anciens établissements Matra, place de la Victoire pour y installer un grand palais d'expositions. Un observateur du phénomène migratoire chinois au Maroc parle de la reproduction du système de commerce chinois qui a bien fait ses preuves ailleurs. La stratégie est de faire venir, grâce à un réseau de passeurs (percevant plus de 40 000 dollars par personne), de deux à trois personnes (le plus souvent originaires du Fujian, région traditionnellement pauvre de la Chine). Un visa pour le Maroc, d'une durée de quelques jours, est sollicité. Au mieux, un titre de séjour, moyennant 15 000 DH, est brigué. Une fois sur place, les personnes s'évaporent dans la nature…Sans qu'aucun contrôle ne soit réalisé. Ensuite, les nouveaux arrivants sont installés dans les magasins de vente avec une obligation de résultat. Un certain chiffre d'affaires est exigible, avec l'obligation d'amasser le plus grand nombre possible de devises. Une fois l'objectif réalisé, la place est cédée aux nouveaux arrivants, alors que les anciens partent vers d'autres cieux. À vrai dire, le Maroc, par son marché étroit, n'est assurément qu'un tremplin vers d'autres marchés, en Amérique ou en Europe essentiellement. Des visas d'affaires ou tout simplement des filières sont sollicités. Le plus étonnant, selon les observateurs, c'est que les filières africaines et celles de l'Est transitent désormais par le Maroc. L'ensemble du système ne peut fonctionner que Grâce à la complicité bienveillante des autochtones. Les cibles favorites sont les transitaires, les fiduciaires, les agents de la douane et les ordonnateurs portuaires. Contre rétributions généreuses le chemin est balisé sans que les généreux donateurs ne rencontrent le moindre problème. Heureusement, les entreprises chinoises structurées sont plus organisées. Après un long combat mené pour l'octroi d'une licence pour la création d'une Chambre de commerce chinoise, l'ensemble des entreprises chinoises ont opté pour le dépôt d'une seconde demande, cette fois-ci pour la création d'une association des entreprises chinoises au Maroc. Très vite, cette association s'est mise en relation avec toutes les associations locales qui militaient, auparavant, pour la création d'une Chambre de commerce. Elle a ainsi réussi finalement à se doter d'un statut légal, après environ une année d'attente. Elle comprend en son sein une vingtaine d'entreprises chinoises qui sont présentes un peu partout au Maroc. On y trouve des entreprises aux capitaux mixtes, spécialisées dans le secteur de la pêche. Elles se situent surtout à Agadir. Les sociétés chinoises, spécialisées en Télécommunications et en câblage, se sont implantées à Rabat. La ville de Casablanca abrite, pour sa part, les grandes entreprises qui importent et distribuent le thé chinois ; elles sont d'ailleurs les plus nombreuses au Maroc.