Après l'élection des présidents des conseils communaux, l'heure est au bilan à l'USFP. Le parti est absent de toutes les mairies du Maroc. Les luttes intestines se sont traduites en guerre de mots par presse interposée. Bon nombre d'Usfpéistes parlent d'un complot contre leur parti. En fait, la formation d'Abderrahmane Youssoufi est appelée à faire son mea-culpa, à reconsidérer ses alliances et à mettre de l'ordre parmi ses instances. L'USFP, l'un des plus grands partis du Maroc, est-il effectivement en train de sombrer dans une crise sans précédent? La rumeur sur une éventuelle démission de Youssoufi devient de plus en plus insistante. Certains observateurs pensent que le Premier secrétaire a l'intention de quitter son poste après la pénible traversée des communales. Ce message, en fait, n'en est pas un. Si cette rumeur finit par se confirmer (ce qui n'est toujours pas le cas), ce serait une fuite en avant indigne d'un homme politique qui en a vu de toutes les couleurs. Certes, la chute de Rabat et de Casablanca a été un véritable séisme pour l'USFP. Mais ce fiasco devrait pousser les responsables de l'USFP à mener une réflexion en profondeur sur le passé et surtout l'avenir de leur parti. Il va falloir, tout d'abord, reconnaître que l'USFP, est lui-même à l'origine de la déconfiture qu'il a subie lors des élections des présidents et des bureaux des Conseils communaux. En fait, le score assez honorable aux élections communales devait permettre à l'USFP de s'adjuger une bonne partie des mairies des grandes villes du Maroc. Or, en fin de parcours, la plus grande commune urbaine qu'il a réussi à présider c'est Agadir. Bon nombre de militants de l'USFP pensent que leur parti devrait lancer deux chantiers primordiaux. Il s'agit d'une part, de revoir ses relations avec l'ensemble des institutions du pays et, d'autre part, s'interroger sur son attitude vis-à-vis de ses propres militants. Pour ce qui est du premier point, l'USFP a du mal, contrairement à l'Istiqlal par exemple, à gommer une certaine méfiance qui existe entre lui et les différents intervenants politiques. Prenons l'exemple du gouvernement Youssoufi. Le ministre des Finances, l'Usfpéiste Fathallah Oualalou, a été sévèrement critiqué par les autres formations au gouvernement qui ont taxé sa loi de Finances de "partisane". C'est un exemple parmi d'autres qui montre, en effet, que l'image de marque de l'USFP est manifestement ternie dans la conscience collective. Ajoutez à cela, le manque de souplesse politique qui fait affreusement défaut chez bon nombre de responsables de l'USFP, le résultat est catastrophique. En effet, selon un responsable de l'USFP à Casablanca, Mohamed Sajid, l'actuel maire de la ville avait proposé à l'USFP une alliance dans laquelle le parti aurait la première vice-présidence de la mairie et la présidence du conseil préfectoral. Cette proposition a été carrément rejetée par Khalid Alioua et Abderrahmane Youssoufi. A cause de cette fierté démesurée, l'USFP a été lâchée par tous ses alliés. Du moins dans les villes les plus stratégiques. Ce lâchage et ses conséquences ont été tellement durs à avaler par les responsables du parti, que certains d'entre eux ont commencé à parler de "main invisible" ayant comploté contre les intérêts de l'USFP. En fait, cette thèse est abracadabrante. Il s'est tout simplement avéré que l'USFP n'a pas autant de sympathie qui ne le prétendait. Rien de cela ne devrait faire rougir les Usfpéistes. C'est le jeu démocratique qui le veut. L'heure est maintenant à l'autocritique. Les relations de l'USFP avec les autres formations politiques ne sont pas les seules raisons du fiasco post-électoral. Les luttes intestines au sein du parti ont accéléré l'écroulement de l'édifice. Combien de militants de la première heure ont carrément quitté l'USFP avant même le sixième Congrès? Combien l'ont fait au lendemain de ce fameux Congrès? Pourquoi sont-ils partis? Abderrahmane Youssoufi, à l'époque de Premier ministre du Maroc, avait déclaré en substance que "l'USFP ne peut pas satisfaire tout le monde". Une manière de dire aux mécontents "bon débarras!". Or, un leader politique digne de ce nom a pour rôle de rassembler les militants et non pas de contribuer à la naissance des clans. Aujourd'hui, deux journaux de l'USFP se tirent dessus à boulets rouges: Al Ittihad Al Ichtiraki et Libération. Le premier, dirigé par Khalid Alioua, a adopté un ton on ne peut plus acerbe contre l'aile d'El Yazghi. Ces luttes intestines et leur médiatisation fragilisent, sans aucun doute, la position du parti dans la scène politique nationale. En somme, la renaissance de l'USFP est tributaire de sa capacité de cesser de s'auto-saborder et de chercher un ennemi pour justifier ses échecs. Grâce à la confiance populaire dont jouit leur parti, les différents clans au sein de l'USFP doivent comprendre que le naufrage du parti les touchera tous les deux.