Le marché de gros de Casablanca regorge d'activités commerciales entre fellahs et grossistes mais aussi des marchands ambulants et d'autres métiers parallèles. Une matinée dans cet espace. Reportage. Situé dans la préfecture de Ben M'sik-Sidi Othmane, le marché de gros de Casablanca, souk «jamla», est situé sur une superficie de cinquante hectares, dont vingt sont réservés au frigo, ressemble à un petit village saugrenu. Il faut le voir pour en croire. Dès trois heures du matin, fellahs, grossistes, intermédiaires, ouvriers mais aussi marchands ambulants et ceux qui exercent d'autres activités en parallèle débarquent dans cet espace. Ainsi, camions, voitures personnelles, motos, bicyclettes et charrettes tirées à la main sillonnent les ruelles du marché. Aux environs de quatre heures, les klaxons des véhicules et les discussions des vendeurs et des courtiers à haute voix transforment la zone en un boucan d'enfer. Et pourtant, l'activité se déroule tranquillement. Les accoutumés du coin se sont habitués à cette atmosphère. Et l'habitude devient une seconde nature avec le temps. La marchandise est vendue selon deux circuits. Lorsque le conducteur du camion, transportant les marchandises, arrive à la porte principale, il passe par le système de pesage, dépose la carte grise du véhicule, prend son ticket, état de base dans le jargon professionnel, portant le poids de la marchandise, sa valeur totale et la taxe qu'il faut payer et se dirige ensuite soit vers les carreaux ou devant les magasins. Dans les carreaux, généralement ce sont des intermédiaires qui s'occupent de la vente. Dans ce cas, le vendeur verse à la caisse 7% de la valeur totale de la marchandise, 6% partent à la communauté urbaine de Casablanca, CUC, et 1% pour les deux mandataires responsables du carreau de vente, à raison de 0,5% chacun. Ces derniers, au nombre de quarante, versent chaque jeudi environ quatre-vingt mille dirhams à la communauté urbaine de Casablanca. A signaler que parfois des altércations éclatent dans les carreaux à cause des manipulations des courtiers. Ils revendent la marchandise à un prix et se plaignent auprès du fellah qui les a chargés, en avançant que les prix ont chuté. Dans le cas où les transactions seraient effectuées devant les magasins, c'est une autre formule qui est applicable. Le vendeur verse une taxe de 6 % à la caisse et échappe au reste, le 1 % réservé aux mandataires. Cette formule suscite la colère des mandataires et de certains propriétaires des magasins loin de la porte d'entrée. Il faut dire que le marché de gros joue un rôle très important dans le contrôle de la qualité et la canalisation des arrivages des produits alimentaires, fruits et légumes, provenant de la périphérie de la métropole et des autres villes du Royaume. Cette canalisation permet de mettre un terme à l'anarchie des prix qui pourrait perturber le marché. Les producteurs déposent leurs marchandises chez les grossistes qui se chargent de les distribuer ensuite aux détaillants dans les autres marchés de la ville. Ce système permet la définition d'un prix tampon, celui qui est pratiqué au marché de gros, autour duquel oscillent les autres prix quel que soit le secteur de vente et la qualité du produit. Les prix au détail sont généralement une majoration par rapport au prix du gros. Cette majoration est souvent de 15%. Toutefois, force est de constater que la multiplication des intermédiaires entre grossistes et fellahs et entre le marché et le consommateur final pourrait provoquer la flambée des prix, en l'absence de la régulation et de contrôle par les autorités compétentes. Au marché de gros de Casablanca, selon des témoignages recueillis sur place, des pratiques en noir battent leur plein. Ces pratiques concernent notamment les tares des fruits chers sur le marché. Par exemple, lorsque le camion est chargé d'avocats ou de poires, le vendeur déclare au passage qu'il s'agit de navets blancs ou de carottes. Les deux premiers se vendent à un prix dix fois plus que celui des deux derniers. C'est dire que la taxe à payer est dix fois moins chère. La pratique en question s'effectue, bien entendu, avec la complicité de plusieurs intervenants dans le circuit. Ce qui fait perdre à la caisse d'importantes sommes d'argent. Des fois, les transactions s'effectuent en dehors même du marché de gros et arrivent directement aux revendeurs dans les marchés au détail. Ainsi, on rencontre des vendeurs avec leurs chariots et camionnettes transportant les légumes et fruits à l'intérieur de la ville gênant la circulation et provocant un grand dérangement pour les piétons et les automobilistes. Selon certains connaisseurs en la matière, cette pratique favorise la concurrence déloyale, en l'absence du contrôle des services économiques de la wilaya de Casablanca. Il est à souligner que cet espace, environ 250 magasins, 20 carreaux et d'autres infrastructures, qui regorge des activités entre les fellahs et les grossistes, connaît également une abondance des marchands ambulants et d'autres vendeurs au détail. Ce qui crée un grand désordre dans le souk. La forte affluence favorise des larcins presque chaque jour. Certains malfaiteurs habitent même au-dessus des magasins, souligne un vieux grossiste dans ce marché.