Les transactions à travers des circuits informels qui ont cours au marché de gros de Casablanca font perdre à la recette municipale des sommes faramineuses. Certains responsables et élus communaux se remplissent les poches en toute impunité. Le marché de gros de Casablanca, souk « jamla », situé dans la préfecture de Ben M'sik-Sidi Othmane est un espace qui regorge d'activités entre fellahs, grossistes, détaillants mais aussi des marchands ambulants, des ouvriers et ceux qui exercent d'autres activités en parallèle. Ce marché, composé d'environ 250 magasins, 20 carreaux et d'autres infrastructures, joue un rôle très important dans le contrôle de la qualité et la canalisation des arrivages, fruits et légumes, provenant de la périphérie de la métropole et des autres villes du Royaume. Sur une superficie de cinquante hectares, dont vingt sont réservés au frigo, les activités commencent à trois heures du matin. Ainsi, les camions chargés de légumes et fruits, des voitures personnelles, bicyclettes et charrettes tirées à la main sillonnent les allées du plus grand marché de la métropole. Aux environs de quatre heures, c'est la débandade totale. Les klaxons des véhicules et les discussions des vendeurs et des courtiers à haute voix transforment la zone en un boucan d'enfer. Mais les habitués du coin ne semblent plus dérangés par le bruit. Avec le temps, l'habitude devient une seconde nature, dit-on. Dans cet espace, les transactions sont effectuées selon deux circuits. Lorsque le conducteur du camion, transportant les marchandises, arrive à la porte principale, il passe par le système de pesage, dépose la carte grise du véhicule, prend son ticket, état de base dans le jargon professionnel, portant le poids de la marchandise, sa valeur totale et la taxe qu'il faut payer et se dirige ensuite soit vers les carreaux ou devant les magasins. En théorie, il paraît que le circuit est bien contrôlé, mais en pratique, des millions de centimes partent en noir. Sur les carreaux, les grossistes chargent généralement des intermédiaires pour s'occuper de la négociation avec les acheteurs. Une fois la transaction effectuée, le vendeur verse à la caisse du marché 7 % de la valeur totale de la marchandise, 6 % parte à la communauté urbaine de Casablanca, (CUC), et 1 % pour les deux mandataires responsables du carreau de vente, à raison de 0,5% chacun. Une seule journée génère des sommes importantes d'argent. Un mandataire qui a préféré garder l'anonymat souligne que chaque jeudi, les quarante mandataires du marché, responsables sur les carreaux, versent à la communauté urbaine de Casablanca (CUC) une somme d'environ quatre-vingt mille dirhams. Cela revient à dire que la communauté urbaine encaisse environ quatre-cent mille dirhams chaque mois du marché du gros. Devant les magasins, les transactions obéissent à une formule. Lorsque le propriétaire du magasin achète la marchandise, il doit verser une taxe de 6 % à la recette municipale. Jusque-là le circuit est bien respecté. Mais ce qui se passe sur le terrain est tout autre. Dans plusieurs cas, le fellah procède lui-même à la vente de sa marchandise à des acheteurs autres que le propriétaire du magasin devant lequel le camion est stationné. La taxe est versée comme si le grossiste du magasin a acheté la marchandise. En contrepartie, il prend une commission de deux cents dirhams. Et le vendeur ne verse que 6 % au lieu de 7 % sur les carreaux. Cette formule, qui suscite la colère des mandataires et de certains propriétaires des magasins loin de la porte d'entrée, prive les caisses du marché des sommes d'argent importantes. Les pratiques en noir ne se limitent pas uniquement à l'intérieur du marché entre fellahs, grossistes et intermédiaires. Selon des témoignages recueillis sur place, ces pratiques battent également leur plein en ce qui concerne les tares. Dans certains cas, le camion est chargé d'avocats ou de poires, fruits chers, mais le vendeur déclare au passage à l'entrée que le véhicule est chargé de navets blancs ou de carottes. La formule lui permet de diminuer de dix fois la valeur de la taxe à verser aux caisses du marché. Ces pratiques s'effectuent avec la connivence de plusieurs intervenants dans le circuit. Et dans certains cas, les transactions s'effectuent en dehors du marché. Ces pratiques font perdre à la recette municipale des sommes d'argent importantes.