À la suite de l'installation par le Maroc d'un poste de surveillance sur son île de Leïla, Madrid perd son calme et se livre à de dangereuses gesticulations. Une attitude qui dénote d'un attachement viscéral aux chimères colonialistes archaïques dont l'Espagne demeure le dernier chantre en Europe. Le temps joue en faveur du Maroc qui défend ses droits légitimes et sa souveraineté. Jeudi, 11 juillet, vers 16 heures. Un commandement militaire marocain a été installé, le plus normalement du monde, sur l'îlot Leila, à quelques centaines de mètres des côtes marocaines. Visible à l'œil nu à partir des plages dorées de Ksar Essghir, ce rocher à la nature repoussante pourrait servir de base pour trafiquants de tous bords. Plus, avec le démantèlement de la cellule dormante d'Al Qaïda, et qui projetait de commettre des attentats dans le détroit de Gibraltar, le Maroc a pris les dispositions qui s'imposent dans le cadre de la lutte anti-terrorsime, à l'échelle internationale, à laquelle il prend part. C'est dans ce cadre également que la mise en place d'un poste de surveillance sur l'îlot Leila a été décidée. Branle-bas de combat du côté de nos voisins ibériques. Madrid considère l'acte marocain inamical et provocateur. Des patrouilleurs espagnols auraient été sommés de rebrousser chemin par les militaires marocains de l'îlot. Les réactions ne se sont pas fait attendre. Madrid a saisi l'OTAN et l'Union Européenne, dans une démarche, bien inamicale celle-là, afin d'obtenir leur soutien et d'exiger par là même le retrait des militaires marocains de l'îlot marocain. Peine perdue au niveau l'Alliance du Nord, malgré l'argument espagnol selon lequel l'Espagne estime qu'il s'agit d'une "rupture unilatérale", d'un accord prévoyant la démilitarisation de l'îlot. L'OTAN considère cette affaire comme strictement bilatérale et appelle les deux parties à régler ce différend -qui n'en est pas un- par le dialogue. Par contre, l'Union européenne, toujours échaudée par la position marocaine sur la pêche et récemment encore sur les accords agricoles, a pris aveuglément le parti de l'Espagne. Hier, la présidence danoise de l'UE a fait savoir que l'Union demande au Maroc de "retirer immédiatement ses troupes" de l'îlot qui ‘'fait l'objet d'un différend hispano-marocain''. Pis encore, "l'Union Européenne exprime sa pleine solidarité avec l'Espagne et exhorte le Maroc à retirer immédiatement ses troupes", a indiqué la présidence danoise dans un communiqué diffusé sur son site internet. Auparavant, le commissaire européen aux relations extérieures, Chris Patten, a fait savoir vendredi que "si ce problème n'était pas rapidement résolu, il aurait probablement des implications dommageables sur les relations UE -Maroc". Pour sa part, le président de la commission Romano Prodi a eu un entretien téléphonique avec le Premier ministre Abderrahmane Youssoufi, pour lui exprimer la "préoccupation" de l'Union Européenne. La réaction du Maroc à cette montée des enchères a été calme. Mohamed Achâari, ministre de la Culture et de la Communication, a souligné que le Maroc considère Leila comme étant "placée sous sa souveraineté" et que les patrouilleurs espagnols envoyés autour de l'îlot "violent la souveraineté marocaine". M. Achaâri a assuré que le Maroc a voulu utiliser l'îlot "pour lutter plus efficacement contre le trafic d'émigrants et le terrorisme". Il a tenu à assurer que l'Espagne demeure "un pays ami du Maroc", tout en l'appelant à "retirer ses troupes des eaux territoriales du Maroc". D'autant plus que notre pays soutient que l'îlot Leila a été "libéré" en 1956, date de l'indépendance du pays et de la fin du protectorat espagnol sur sa partie nord. Aussi bizarre que cela puisse paraître, l'Espagne, qui ne réclame pas ouvertement sa souveraineté sur le rocher, appelle au rétablissement du " statu quo actuel" sur l'île. Et ce avant d'entreprendre d'éventuelles actions diplomatiques, juridiques, ou militaires. Le ministre de la Défense espagnol Federico Trillo a annoncé qu'une frégate était arrivée à Ceuta, sur le détroit de Gibraltar, et que deux corvettes se trouvaient à Melilla, autre enclave espagnole en territoire marocain. "Nous avons renforcé chaque ville avec deux hélicoptères, nous en avons envoyé un autre sur la principale base militaire des îles Zaffarines, et nous avons commencé le renforcement des îlots alentour", a-t-il précisé. D'après les télévisions espagnoles, six autres frégates ont été déployées dans le secteur, ainsi que des sous-marins. Chaque frégate transporte deux hélicoptères et quelque 160 soldats. Certes, personne ne veut que la situation empire. Les deux parties n'ont pas besoin d'appel à la raison. Elles connaissent bien ce que leur dicte le voisinage. Elles savent aussi qu'on ne choisit pas son voisin. Le Maroc et l'Espagne savent pertinemment aussi que de bons rapports entre eux peuvent leur être bénéfiques. Autrement, bonjour les dégâts. C'est ce que la presse espagnole, dans la grande majorité, n'a pas voulu prendre en compte en s'attaquant au Maroc et en fustigeant «l'attitude molle» du gouvernement Aznar. Si El Pais a donné la parole à M. Achâari, qui a réitéré la position officielle du Maroc, le reste des journaux ont épousé une attitude hostile à l'égard du Maroc, qui rappelle la furia propre aux Espagnols.