Elle ne voulait pas rentrer à la salle d'audience. Tout simplement parce qu'elle ne pouvait pas fixer des yeux son agresseur. Quand le président de la chambre criminelle près la Cour d'appel de Casablanca l'a appelée pour s'assurer de sa présence, elle a refusé de lui répondre. Sa mère a tenté de la convaincre d'y entrer. Mais en vain. Certes, difficile pour une mineure de se retrouver face à face avec son agresseur, mais la loi l'oblige à raconter devant la Cour ce qui lui est arrivé. Une procédure inévitable donc et qui éveille tout ce que la victime mineure essaie de ne plus se remémorer. Conscient de l'état d'âme de la fille, le président de la Cour a donné ses ordres aux policiers qui veillent sur la sécurité de la salle d'audience de conduire le mis en cause en geôle, le temps de s'assurer de l'identité de la victime. L'ordre a été exécuté. Et, en compagnie de sa mère, la fille qui venait d'avoir ses neuf ans y est rentrée. Difficilement, le président de la Cour a vérifié l'identité de la mineure avant de lui demander d'aller attendre en dehors de la salle d'audience et d'appeler le mis en cause à la barre. Quarante-deux ans, père de famille, commerçant de son état, il s'est disculpé dès le début de son interrogatoire. Il a rejeté les accusations selon lesquelles il a fait rentrer la fille dans son commerce, l'a menacée de la tuer avant d'abuser sauvagement d'elle. Il a expliqué qu'il s'agissait uniquement d'une vengeance orchestrée par la mère de la victime à laquelle il ne voulait pas faire de «crédit». Ce qui n'a pas manqué de faire rire aussi bien la Cour que l'assistance. Sous surveillance de la police, il a quitté la salle d'audience pour permettre à la Cour d'écouter le témoignage de la victime. Celle-ci a affirmé qu'elle avait l'intention de faire des courses pour le compte de sa mère quand le commerçant lui a demandé de rentrer chercher ce qu'elle voulait acheter. Puisqu'il n'était pas considéré comme un étranger par ses clients du quartier, elle a répondu favorablement. Une fois rentrée, il a fermé rapidement la porte et il lui a enlevé son maillot pour la violer au point qu'elle a remarqué du sang qui coulait entre ses cuisses. Le gynécologue qui l'a consultée a affirmé dans le certificat médical qu'elle a été dépucelée. L'avocat soutenant le mis en cause a expliqué, lors de sa plaidoirie, que son client ne pouvait en aucun cas l'obliger à rentrer et fermer la porte. Car, selon lui, le quartier n'est jamais désert. Les habitants y passent tout le temps, ainsi que les jeunes se tiennent à l'entrée de leurs domiciles. Mais la Cour a pris en considération la déclaration de la victime pour juger le mis en cause coupable pour séquestration et attentat à la pudeur avec violence sur une mineure de moins de quinze ans et l'a condamné à huit ans de réclusion criminelle.