À défaut de trouver une solution financière immédiate au niveau de l'Etat, il est techniquement impossible pour le secteur gazier de continuer à assurer normalement l'approvisionnement de la population. Les investissements dans le secteur sont menacés. La toute récente augmentation du prix de vente des produits pétroliers liquides (de 2,9 % à 3,5 % selon les produits) n'a pas redressé la situation structurellement déficitaire de la Caisse de Compensation. Celle-ci reste dans l'impossibilité de payer les pétroliers et les gaziers. Aujourd'hui, les sommes dues par l'Etat au secteur gazier dépassent 1 milliard de DH. Le rôle de l'Etat est celui d'un régulateur global du secteur. En effet, l'État impose que le prix de vente public du butane en bouteilles (3,30 DH le kg) reste constant quel que soit son coût sur le marché international et prévoit une subvention à hauteur de 60 % du prix de vente public. Ce système impose donc aux distributeurs de vendre le gaz à un prix inférieur à son coût de revient. En contrepartie, l'Etat s'est engagé à combler cette différence par un subside versé aux distributeurs par la Caisse de Compensation. Depuis la hausse internationale des prix des produits pétroliers en 2000, l'Etat n'a pas assuré d'une manière régulière le paiement des subsides aux sociétés de distribution de gaz butane. Le système mis en place par l'Etat prévoit un système de péréquation à partir des produits pétroliers liquides. C'est une ponction sur ceux-ci qui alimente la Caisse de Compensation, qui à son tour subventionne le butane. Depuis avril 2004, cette péréquation n'est plus possible : c'est la Caisse qui doit maintenant verser des subsides aux pétroliers. Cette situation, selon le Groupement des pétroliers du Maroc (GPM) et la Fédération de L'énergie, n'est pas sans avoir des conséquences graves pour les entreprises et pour le consommateur. Les très importants retards de paiement de l'Etat entraînent pour tous les distributeurs de graves difficultés de trésorerie. « La seule solution, de court terme, pour les distributeurs est de recourir à des emprunts bancaires considérables pour assurer l'augmentation démesurée de leur besoin en fonds de roulement et cela, malgré le coût élevé de ce moyen financier (non remboursé par l'Etat) », est-il précisé par les opérateurs du secteur. Faute de décision du côté de l'Etat, les banques marquent une réticence à poursuivre leur engagement financier. Or, les trésoreries des sociétés gazières ne peuvent supporter seuls les poids d'une dette qui s'élève pour le secteur à plus de un milliard de DH. « Dans ces conditions, il est inévitable que, dans les prochaines semaines, certains distributeurs, y compris parmi les plus importants du secteur, seront dans l'impossibilité de poursuivre leurs activités, par manque de trésorerie », estime My Abdallah Alaoui, président de la Fédération de l'énergie. La conséquence inéluctable de ce manquement de l'Etat pourrait être une pénurie de gaz butane pour les consommateurs de certaines régions. En effet, à défaut de trouver une solution financière immédiate au niveau de l'Etat, il est techniquement impossible pour le secteur de continuer à assurer normalement l'approvisionnement de la population. Cette perspective est d'autant plus préoccupante que le Ramadan et l'hiver s'annoncent prochainement et qu'ils constituent des mois de très forte consommation dans l'année. Les opérateurs du secteur ont, à de très nombreuses reprises, rencontré les administrations compétentes et envoyé des courriers afin d'alerter les autorités sur l'urgence d'une réaction. « Tous les interlocuteurs déclarent comprendre parfaitement les difficultés que traverse le secteur. Mais, à ce jour, aucune décision n'a été prise et aucune solution concrète n'a même été avancée », précise le président de la Fédération. L'importance économique et sociale du butane n'est assurément plus à prouver C'est un produit de type social utilisé par 99 % des ménages marocains. La croissance de l'utilisation du butane est de 3 fois supérieure à la croissance démographique et atteint actuellement 1.300.000 tonnes par an. Le butane représente 20 % du total de la consommation des produits pétroliers au Maroc. Les 30 millions de bouteilles de gaz actuellement en circulation appartiennent à 17 sociétés de distribution qui emploient environ 13.000 personnes dans leur réseau d'importation, d'emplissage et de commercialisation. Les investissements des entreprises du secteur sont extrêmement importants : 3,7 milliards de DH investis de 1995 à 2003.