Président de l'ASSADEH, basée à Barcelone en Espagne, Ramdan Messaoud Larbi met en relief la responsabilité d'Alger dans le conflit du Sahara marocain et dans les exactions commises à l'encontre des séquestrés de Tindouf. ALM : Comment s'est passé votre témoignage devant la commission de l'ONU ? Ramdan Messaoud : Que ce soit du côté de notre association, l'ASSADEH (Association sahraouie pour la défense des droits de l'homme), ou du côté de PASVERTI (Association des parents des sahraouis victimes de la répression du Polisario à Tindouf), nous avons quitté Genève avec beaucoup de satisfaction. Le groupe de travail de l'ONU, dont le rôle est de déterminer le coupable dans cette grosse affaire, a pris au sérieux notre dossier et nos déclarations. L'audition a duré près de 90 minutes et, avec El Houcine Baïda, président de PASVERTI, nous nous sommes lancé dans une série de témoignages, citant notre douloureuse expérience puis celles d'autres ex-détenus, sur les exactions commises au sein des camps de Tindouf, sur le sol algérien, en plus des enlèvements. D'ailleurs, comme je l'ai indiqué au groupe de travail de l'ONU, ces séances de torture se déroulent sous la supervision de responsables algériens. Ils bénissent, dans les prisons du Polisario, les supplices infligés aux prisonniers sahraouis. Par ailleurs, on nous a posé une série de questions auxquelles nous avons donné réponse. Cela tournait autour du Polisario, du territoire sur lequel ses sbires s'adonnent aux actes les plus horribles, les prisons secrètes, les enlèvements et la torture dans la région de Tindouf… Bref, autant de questions soulevées à partir du dossier que nous leur avons remis. Quelles étaient leurs réactions ? Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils étaient consternés, d'autant plus que ces derniers temps, les tristes nouvelles émanant des camps de Tindouf fusent d'un peu partout. Ils nous ont promis de s'atteler au dossier des disparus sahraouis et de dévoiler au grand jour, devant les autres Nations au mois de novembre prochain, ce triste épisode de l'Histoire de l'humanité. Aussi, le sujet des disparus figurera dans le prochain rapport de l'ONU sur les Droits de l'Homme. Quels sont les arguments dont vous avez usé afin de convaincre le Groupe de l'ONU ? Nous nous sommes référés à la Charte universelle des Droits de l'Homme. La plainte déposée par nos deux associations avait reçu l'aval de l'ONU au mois de mai. Nous avons soulevé la question des victimes oubliées, de l'esclavage qui prévaut dans les prisons polisariennes en terre d'Algérie. Aussi, sur la liste des 56 disparus, que nous avons établie, figure le nom de Bachir Al-Hayssen qui n'est autre que le frère de Abba Al-Hayssen, président de l'Union des juristes saharaouis, une entité greffée au Polisario. Le groupe de travail peut questionner le frère de ce disparu pour s'enquérir de la véracité de nos propos. Nous avons également mis à la disposition du Groupe de l'ONU les noms et les coordonnées des familles des disparus, que nous connaissons une à une. Nous avons soulevé le cas du Darfour qui, en l'espace de quelques semaines, a suscité la mobilisation de la communauté internationale, alors que cela fait 30 ans que les geôles de Tindouf abritent les pires atrocités commises contre l'humanité. Cela dit, je puis vous assurer que nos arguments étaient plus que convaincants. Il n'y a aucune réserve à émettre sur notre impartialité, nous ne défendons l'intérêt de personne. D'ailleurs, nous sommes sortis la tête haute grâce à la positivité avec laquelle les membres de ce groupe de travail nous ont écouté et avec laquelle ils ont traité le dossier que nous avons mis à leur disposition. Ils se sont engagés à placer le sujet des disparus des camps de Tindouf parmi leurs priorités. Ils ont appréhendé que celui qui prétend être la victime n'est autre que le bourreau. Comment définissez-vous le rôle d'Alger dans ce qui se passe ? L'Algérie est responsable de tout, du conflit monté de toutes pièces du Sahara marocain, ainsi que des atrocités commises à l'égard de la population sahraouie. Les interrogatoires se déroulent devant des représentants des autorités algériennes. Des officiers de l'armée supervisent ces interrogatoires musclés où les sévices les plus vicieux sont administrés à des innocents. Avant de déposer notre plainte, nous avons contacté les ambassadeurs d'Algérie basés à Madrid et à Genève. Nous leur avons soumis le dossier au nom de l'ASSADEH et PASVERTI. Mais nos requêtes sont toujours restées lettre morte. On nous répondait que l'Algérie est un Etat qui n'a rien à voir avec le Polisario. Pourtant, c'est sur le sol algérien que le Polisario opère en toute impunité. Qu'est-ce que cela signifie ? Quelques jours avant l'audition par le groupe de l'ONU, qu'est-ce qui s'est passé au Forum de Barcelone ? L'ASSADEH avait organisé, le 13 août dernier, une conférence en marge du Forum de Barcelone, sous le thème « Les victimes oubliées du conflit du Sahara ». Des représentants du Polisario y ont assisté. Parmi eux figurait l'un des responsables et représentant d'une association du Polisario qui, devant les diverses interventions et sous la pression des organisateurs étrangers, dût reconnaître que des exactions de tout genre étaient commises à Tindouf, minimisant la chose et la qualifiant « d'erreur », l'imputant à la duplicité de certains dirigeants polisariens. La suite connut ainsi une vague de félicitations à notre égard, notamment que la veille, le Polisario avait tenu sa propre conférence. Nous y avons assisté et lorsque nous avions tenté d'intervenir, nous fûmes brutalement empêchés de le faire, tout comme l'ont été des représentants de la Chabiba istiqlalia. Le lendemain, c'était notre tour de tenir notre conférence. Les représentants du Polisario ont pu assister et intervenir comme ils voulaient, au moment qu'ils voulaient, sans aucun muselage de notre part. Et c'est justement pour cette raison, entre autres, que les organisateurs nous ont estimés à notre juste valeur.