En 2003, 82.537 nouveaux détenus ont été incarcérés dans les prisons marocaines selon un rapport publié par l'Administration pénitentiaire et de la réinsertion relevant du ministère de la Justice. La population carcérale a atteint, à fin décembre 2003, 54.542 détenus dont 1499 femmes. Ce chiffre a été révélé dans un bulletin publié par l'Administration pénitentiaire et de la réinsertion (APR) relevant du ministère de la Justice. Dans son rapport, cette administration a passé en revue la situation dans les 53 établissements pénitentiaires du pays. Parmi les chiffres les plus marquants de la situation dans les prisons marocaines, l'APR a tenu à mettre en valeur la baisse de 6,06 % enregistrée en ce qui concerne le nombre des détenus pour l'année 2003, qui a atteint 82.537, contre 87.865 pour l'année précédente. Une baisse qui est certes importante puisqu'il s'agit d'une réduction de plus de 5000 détenus, mais elle reste insignifiante par rapport au nombre global des nouveaux détenus qui reste très considérable par rapport au nombre global de la population. Avoir chaque année plus de 80.000 entrées en prison est sans aucun doute une donnée alarmante qui mérite une étude approfondie afin d'en déterminer les causes. Outre cette baisse relative, le rapport a évoqué plusieurs aspects de la vie carcérale et de la situation des établissements pénitentiaires dont les infrastructures dont ils disposent et les actions menées pour améliorer les conditions de vie des détenus et de leur réintégration dans la société. Ainsi, le rapport précise que les personnes incarcérées pour des délits financiers figurent à la tête des catégories de détenus avec 7521 personnes. Un chiffre qui reste un indicateur très significatif et qui mérite une attention particulière de la part de nos chercheurs. Car dire que les délits financiers sont les plus élevés au Maroc signifie entre autres qu'il existe une défaillance quelque part qui permet une telle prolifération du crime financier et le nombre élevé des délinquants financiers. En deuxième position de ce classement par genre de délit, figurent les détenus pour des délits prévus par des lois spéciales qui sont au nombre de 7.133. Et ce n'est qu'en troisième et quatrième position que l'on retrouve les crimes ayant un caractère violent, à savoir l'agression et l'atteinte à la sécurité et à l'ordre publics dont les détenus sont respectivement au nombre de 5.639 et 2.557. ils sont suivis par les auteurs de violations du code de la famille et d'atteinte aux mœurs avec 1.721 et les détenus pour d'autres délits 1.632. Le rapport de l'administration pénitentiaire relève aussi que seuls 148 détenus ont une formation universitaire et que le nombre de ceux qui ont atteint le niveau d'enseignement secondaire est de 151. Les détenus ayant un niveau d'enseignement fondamental sont au nombre de 892, ceux ayant une formation professionnelle sont de 937, alors que seuls 2.634 d'entre eux suivent des cours d'alphabétisation. Ces chiffres montrent que la majorité écrasante de la population carcérale est analphabète. Ce qui signifie que le problème de l'éducation demeure étroitement lié au taux de criminalité. Dans le même cadre, l'administration pénitentiaire a annoncé que 11 détenus ont obtenu une licence au titre de l'année 2003, un autre un doctorat en littérature et neuf autres détenus des diplômes des études universitaires approfondies. Par ailleurs, les chiffres révélés par le rapport montrent aussi que l'application de la procédure de libération conditionnelle reste très faible, ce qui indique l'existence d'une éventuelle hésitation au sein de la justice marocaine à la mettre en application alors qu'il s'agit d'un système qui présente plusieurs aspects positifs. Ainsi, le nombre de personnes bénéficiant de la libération conditionnelle est de 43 détenus, soit 64 % des dossiers soumis à la direction des affaires pénales et de grâce, alors que 15 autres détenus ont profité de mesures d'autorisation exceptionnelle et d'autorisation de sortie pour visiter des proches malades ou assister aux funérailles d'un parent. Dans le rapport, il a été aussi question des moyens humains, matériels et budgétaires dont dispose l'administration pénitentiaire. L'on append ainsi que le budget réservé à cette administration a été revu à la baisse pour l'année 2003 avec un montant global de 307.366.600 de DH, dont 197.187.600 DH consacrés à la gestion, soit une baisse de plus de 5 % par rapport à l'année précédente. Ce qui contredit nettement la volonté affichée par le gouvernement en matière d'amélioration des conditions de vie des détenus. Pour ce qui est des ressources humaines, l'APR a affirmé qu'elle dispose d'un fonctionnaire pour 11 détenus. Ainsi le nombre de fonctionnaires au sein des différents établissements pénitentiaires est de 5.151 dont ceux chargés de la surveillance. Ils sont formés, selon l'APR, dans les domaines juridique, des droits humains, de sécurité pénitentiaire et de psychiatrie. S'agissant de la santé des personnes incarcérées, le rapport n'a pas donné suffisamment de données et s'est contenté d'affirmer que les détenus bénéficient des soins de santé. Il a révélé, par ailleurs, que le nombre de décès enregistrés dans les prisons marocaines a atteint 123 dont 2 femmes et 1 ressortissant étranger. Enfin, il est à signaler que, si la publication d'un rapport annuel sur l'état des établissements pénitentiaires au Maroc est une initiative à saluer, il faut néanmoins rappeler que tout l'effort fourni par ses auteurs restera sans intérêt si les données qu'il révèle ne font pas l'objet d'une analyse profonde et d'une étude pour déterminer la signification sociale de tous les chiffres qu'il contient.