Haj Abdessalem Kebbour est le propriétaire du car marocain qui a fait douze morts, mardi soir à Poitiers. Il explique que son bus disposait de toutes les autorisations nécessaires et charge «les jaloux» qui essaient de porter atteinte à sa réputation. Le car de Haj Kebbour déchaîne le courroux des médias étrangers. «Car pirate», «vitesse excessive», «remorque trop chargée», «imprudence du conducteur», les qualificatifs fusent de toutes parts pour accabler le bus qui a fait, mardi soir, douze morts et six blessés graves à Poitiers. Haj Abdessalem Kebbour, propriétaire du bus, balaie d'un revers de main toutes les accusations. «Ce sont des jaloux ! J'exerce ce métier depuis quarante ans et je défie quiconque de trouver le moindre motif de doléance contre ma compagnie». Haj Abdessalem Kebbour, 68 ans, a passé les trois quarts de sa vie au volant d'un bus. Il dit être le premier Marocain à avoir assuré des liaisons entre le Maroc et l'Europe. Il cite la Belgique, un pays où il a émigré très jeune et où il a appris le métier avec des «maîtres» dont il cite fièrement les noms. En 1992, il a créé «Voyages Kebbour», une compagnie qui dispose de sept cars et dix minibus. «Ma compagnie a la confiance de tout Tanger. Tout le monde sait qu'il est défendu de fumer ou de boire de l'alcool dans mes cars. Tout le monde sait que la femme peut voyager seule en toute quiétude. Ceux qui me chargent ont l'habitude de transporter du haschisch et des clandestins ». Quand on objecte à Haj Kebbour que la presse ne fait pas dans le transport en commun, il répond qu'elle est manipulée par les jaloux et la quête du sensationnel. A-t-il des autorisations pour effectuer ses allers-retours entre Tanger et Bruxelles ? «Bien sûr que j'ai toutes les autorisations et agréments nécessaires. Ma compagnie a fait l'objet d'une publication dans le Bulletin officiel et le ministère de l'Intérieur, du Tourisme et des Affaires étrangères ainsi que la wilaya de Tanger le savent très bien ». Le quotidien belge «La dernière heure» affirme pourtant dans son édition du jeudi que la société Kebbour «ne possédait pas de licence adéquate, délivrée par le ministère fédéral belge de la Mobilité. Elle se trouvait donc dans l'illégalité». «Comment un bus peut-il traverser dans l'illégalité les frontières du Maroc, de l'Espagne, de la France et de la Belgique !», s'exclame Haj Kebbour. Sa société n'a pas non plus d'agence établie en Belgique. «J'ai essayé de créer une agence à Bruxelles avec Oulad Tajmout. Ils m'ont volé 200 000 DH et les autorités marocaines le savent». Les prix pratiqués par la société de Haj Kebbour sont de 750 DH pour l'aller simple. «Cette somme peut dépasser les 1000 DH avec la haute saison au mois de juillet », explique l'intéressé. Ces prix sont jugés par la presse belge «trop bas pour être honnêtes». Quand on interroge l'intéressé sur les raisons de l'accident, il pointe du doigt le mauvais temps et se résigne devant le destin. «C'était écrit là-haut!» Haj Kebbour défend au reste le conducteur qui était au volant au moment de l'accident. «Il travaille avec moi depuis sept ans et je ne remets pas en doute un seul instant sa compétence et son sens de la responsabilité». Selon les premiers témoignages, le chauffeur aurait perdu le contrôle du véhicule au moment où un autre poids lourd le doublait. L'information judiciaire, ouverte par le procureur de Poitiers, devrait déterminer pourquoi la remorque à bagages tractée à l'arrière du car a commencé à zigzaguer : était-ce lié à un appel d'air, à une vitesse excessive ou à la chaussée rendue glissante par un violent orage? Mercredi soir, le procureur de la République française a annoncé que le chauffeur de remplacement avait été mis en garde à vue. «Le conducteur qui était au volant au moment de l'accident, gravement blessé, n'est pas encore en état d'être entendu», a-t-il expliqué, avant d'ajouter que «l'autocar et la remorque ont été mis en lieu sûr pour des expertises». Les causes réelles de l'accident restent encore inconnues. Mais il est vrai que le désordre qui caractérise de nombreux cars marocains assurant des liaisons avec l'Europe rend suspect le bus de la compagnie Kebbour. Le Haj a beau invoquer tous ses saints pour convaincre de l' «irréprochabilité» de sa société, elle n'en demeure pas moins qu'elle obéit aux mêmes circuits que de nombreux transporteurs quasi hors-la-loi.