La fronde des «jeunes Turcs» a fait long feu et leur souhait de changement des instances de Transparency Maroc et de ses méthodes d'action n'a pas été suivi par la soixantaine des conseillers nationaux qui ont assisté samedi à Rabat à l'assemblée élective de l'institution. Malmené par les nouvelles générations, le secrétaire général sortant, Abdessamad Saddouk, a néanmoins réussi à redresser la barre et à se concilier le sort des urnes. Sa liste a obtenu la faveur de 56 des 57 membres du collège électoral réuni ce jour-là pour un scrutin de listes où la sienne a été la seule à solliciter les suffrages. Sur ces «grands électeurs» un seul s'est abstenu. Pourtant, malgré cette quasi-unanimité qui permet à Saddouk de rempiler pour deux autres années –les dernières, un troisième mandat consécutif est statutairement impossible-, ce fut une victoire au goût de cendre. Le bureau sortant a en effet été l'objet de vives critiques de la part des jeunes conseillers tout au long des travaux. Pour eux, malgré de substantiels subsides– les recettes ont été de l'ordre de 10 millions de dirhams l'exercice précédent- Transparency Maroc est d'une efficacité toute relative dans la lutte contre la corruption. La preuve ? Jaugée à l'aune de l'Indice de perception de la corruption (IPC), la place du Maroc a dégringolé de trois rangs en 2013. Pire, ce recul est analysé à l'international comme le résultat naturel et inévitable de «l'absence de volonté de lutter contre ce fléau». De surcroît, dans son rapport de 2013- le Global competitiveness report-, le World Economic Forum classe le Maroc au 77ème rang parmi 148. L'année dernière, il était 70ème sur 144. Même tonalité véhiculée par la Banque mondiale dont le Doing Business mesure la facilité de chaque pays à conduire des affaires et qui a placé en 2014 l'économie marocaine au 87ème rang parmi 189. Mais, pour les jeunes de Transparency Maroc, l'Etat n'est pas seul responsable des couacs de la lutte contre la corruption: le style de gestion de l'institution est aussi mis en cause. Les caciques en ont pris ombrage, mais la critique a fait mouche: outre que ce sont toujours les mêmes figures qu'on retrouve aux commandes de TM – «en sorte que le bureau exécutif s'est transformé en «club très fermé», l'institution est devenue «autiste». En clair, les jeunes ont appelé non seulement au changement de ton et de têtes, mais encore à l'ouverture sur les autres acteurs de la vie sociale. «Rien d'efficace n'est entrepris quand on agit seul: la lutte contre la corruption est l'affaire de tous». Aussi âprement critiqué que le rapport moral de Saddouq a été le rapport financier du trésorier, Abdelaziz Messaoudi. Entre autres réalités, les jeunes conseillers n'ont pas apprécié que les comptes de TM dégagent 4 millions d'excédent alors même que son action reste inaboutie dans nombre de domaines jugés prioritaires. Mais surtout, ils ont attiré l'attention sur le risque qu'il y a à compter essentiellement sur le financement extérieur. Jugeant l'externalité induite par les dons étrangers de potentiellement réductrice des efforts d'autonomisation, ils ont considéré qu'il est temps de démarcher des sources de financement en nombre qui ne donne à aucune d'elles barre sur l'institution. Par l'entremise de ses Cajac (Centres d'assistance judiciaire aux plaignants), TM a reçu 972 plaintes, ouvert 114 dossiers sur ce total et classé le reste. Cependant, victimes de leur succès et du financement par projet qui les place quasiment à égalité avec des objectifs moins courus, ces centres sont dans une passe financière difficile : les fonds qui leur sont alloués s'épuisent au mois d'avril.