Elle s'appelle Fatma et c'est devant l'un des hypermarchés de la capitale qu'elle s'est installée le temps d'une journée, mendiant les passants et les priant de lui offrir de quoi nourrir ses petits. Ce tableau paraît des plus ordinaires, voire habituels. Seulement, ce qui attire l'attention chez cette quadragénaire est le document qu'elle brandit en toute amertume. Un passeport syrien. Des «Fatma» et leurs familles, il y en a un peu partout au Maroc aujourd'hui. Ils fuient les violences dans leur pays pour trouver refuge ailleurs. Toutefois, le Royaume bien qu'il leur offre protection, n'a pas encore mis en place une politique d'accueil qui leur soit spécifique.En attendant, la précarité définit leur quotidien. Tour d'horizon. Le gouvernement a effectivement annoncé son souhait de mettre en place un programme de protection et d'assistance spécifique pour les réfugiés syriens depuis début 2013. A cette même date, il a été demandé au Haut-Commissariat des réfugiés (HCR) de ne plus enregistrer les demandeurs d'asile puisqu'un programme les concernant est en cours de préparation. Seulement, à l'heure actuelle, ce projet n'aurait pas dépassé la phase de discussions alors que le flux des réfugiés ne cesse d'augmenter. Il est sans rappeler que depuis le début du conflit armé entre le régime syrien et son opposition, au moins 120.000 personnes ont péri. Ces chiffres ont été publiés par l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) qui confirme qu'entre attentats, exécutions sommaires et échanges de tirs, cette guerre aurait fait 1.000 morts rien qu'en deux semaines. Ne voyant plus de bout à cela, certains choisissent la voie de l'asile. Les chiffres fournis par le HCR parlent d'environ 846 demandeurs d'asile syriens. Par ailleurs, sur le terrain leur nombre est bien plus élevé puisqu'il ne s'agit là que de ceux ayant approché le bureau de demande d'asile. En l'absence de statistiques nationales autorisées, il est difficile de parler d'un chiffre exact. Regain de confiance «En raison des évolutions récentes depuis le 10 septembre, nous avons confiance que ce programme verra très prochainement le jour. En attendant, nous avons repris l'enregistrement des demandeurs d'asile syriens il y a quelques semaines», nous indique Marc Fawe, chargé des relations extérieures au niveau du HCR. En effet, le 10 décembre a été annoncée une campagne de régularisation des sans-papiers au Maroc et certains Syriens ont été aperçus dans les bureaux des étrangers pour demander une résidence en tant que migrants et non réfugiés. «Nous imaginons que c'est soit parce qu'ils ont un contrat de travail, ils ont épousé un(e) Marocain(e) ou parce qu'ils sont ici depuis plus de 5 années. Dans ces 3 cas, ils sont éligibles pour un permis de résidence», explique la même source. Durant les 24 derniers mois, les frontières terrestres avec l'Algérie ont constitué le principal point d'accès des demandeurs d'asile syriens. A Oujda, ils débarquent par centaines et n'ayant pas de papier administratif justifiant leur présence sur le territoire, ils exercent quelques métiers au noir. C'est du moins ce que nous ont confié des sources au niveau de la ville. «Certains sont prothésistes et ils offrent leurs services à domicile», explique Mahdi, lui-même prothésiste. D'autres, moins fortunés, n'ont d'autres choix que de tendre la main. Il est à noter qu'au niveau de cette ville qui accueille non seulement les réfugiés syriens mais bien d'autres demandeurs d'asile en provenance du Mali, du Congo ou encore de la Centrafrique, aucun dispositif n'a été mis en place. «Il n'y a pour le moment qu'un seul bureau pour déposer des demandes et c'est le bureau du HCR à Rabat. Très prochainement, l'enregistrement des nouvelles demandes d'asile se fera de manière conjointe avec le gouvernement marocain. C'est ce que nous souhaitons appuyer, mais cela prend un peu de temps pour mettre les structures en place et mobiliser les ressources», apprend-on auprès de Marc Fawe. Il est à noter que contrairement aux autres nationalités en situation irrégulière, les Syriens sont de facto réfugiés, ils sont protégés par l'Etat et ne sont pas sujets à des expulsions. Parallèlement à la nouvelle politique migratoire du pays, un Bureau des réfugiés et des apatrides (BRA) a été rouvert après sept ans d'absence au niveau du ministère des affaires étrangères et de la coopération. Dans ce bureau qui est composé de représentants des ministères des affaires étrangères, de l'intérieur, de la justice et de l'emploi, de la délégation interministérielle aux droits de l'Homme (DIDH) et du HCR, il a été procédé à la régularisation de 850 demandeurs d'asile reconnus préalablement par l'organisme onusien. Toutefois, dans l'attente que le programme de protection spécifique qui leur est dédié, les Syriens sont tolérés mais pas en mesure d'exercer un métier, de louer un domicile ou d'accéder aux services en toute légalité.