Depuis dimanche et pour deux semaines, le président Ben Ali s'est donné pour objectif de convaincre les Tunisiens de son projet de réforme constitutionnelle qui lui permettra de briguer un nouveau mandat en 2004. Le référendum prévu le 26 mai prochain – le premier dans l'histoire du pays - devrait amender plusieurs clauses de l'actuelle Constitution tunisienne, notamment celle entérinée par le président Ben Ali en 1987, et qui annulait la « présidence à vie » instaurée par son prédécesseur Habib Bourguiba. Zine El Abidine Ben Ali avait alors limité le nombre de mandats présidentiels à trois. La réforme qu'il soumettra au vote des Tunisiens dans deux semaines, le ramène à un nombre illimité, permettant ainsi à l'actuel chef d'Etat d'en briguer un quatrième en 2004. Pour M. Ben Ali, la réforme annoncée ne se limite cependant pas à ce point, comme il l'a expliqué dimanche dernier lors de son premier meeting de sensibilisation à Tunis. «Le peuple est appelé à dire son mot sur l'avenir du système politique de l'Etat et à exprimer son opinion souveraine au sujet des choix qui devront ouvrir, devant notre pays, des perspectives plus larges de progrès et de prospérité» a alors déclaré le président. «Il aura à exprimer son opinion souveraine sur une initiative qui constitue le couronnement de réformes majeures et le prélude à des réformes ultérieures» a-t-il ajouté devant des milliers de personnes. Soulignant que le recours au référendum est son choix, et non une obligation, le chef d'Etat l'a qualifié « d'indice du progrès des peuples et de leur maturité » annonçant une évolution démocratique du pays ». «Cette République de demain confortera l'ensemble des valeurs de référence du système républicain, et en premier lieu, les droits de l'homme et la solidarité» a insisté M. Ben Ali. Outre la modification du nombre de candidatures présidentielles (pour un mandat de cinq ans), le projet de réforme prévoit la création du Chambre des conseillers, en plus de celle des députés. Un nouveau Parlement bicaméral qui entend «moderniser la structure du pouvoir législatif ». L'instauration d'un scrutin présidentiel à deux tours a quant à lui pour objectif de « consacrer le multipartisme» tandis que la réforme repoussera de 70 à 75 ans l'âge limite pour postuler à la magistrature suprême. Le président Ben Ali, âgé de 65 ans, aura ainsi deux nouvelles possibilités de postuler à la présidence. Dimanche, plusieurs partis et figures de l'opposition, plusieurs membres de la société civile tunisienne ont cependant tenu une «conférence nationale» pour dénoncer le projet. Réunis sous le slogan « la consultation d'un peuple privé de liberté équivaut à une falsification de la volonté populaire », au siège du Parti démocratique progressiste (PDP), seul des six partis d'opposition à combattre la réforme, ils ont rejeté les amendements constitutionnels. Ils visent, selon eux, à « ouvrir la voie à la présidence à vie ». Dans une déclaration finale, les opposants ont réclamé les conditions d'une « véritable réforme » pour la démocratie, notamment l'adoption du principe de l'alternance du pouvoir et une amnistie générale. Y participaient la ligue tunisienne de défense des droits de l'homme, le conseil national des libertés (non autorisé). Le centre pour l'indépendance de la justice, non autorisé et dirigé par le magistrat Moktar Yahiyaoui, révoqué pour avoir « mis en cause l'indépendance de la justice », était aussi présent de même que l'ex-ministre de l'éducation Mohamed Charfi, qui a apposé sa signature en tête d'une pétition pour un « boycott actif et résolu » du référendum. Le dernier mot reviendra cependant aux 3,6 millions d'électeurs inscrits, qui, le 26, répondront par « oui » ou « non » au projet de leur président.