Le gouvernement fait de la Com'. Spots télévisés, distribution de brochures dans les stations-service, conférences et réunions seront utilisés pour convaincre l'opinion publique de l'activation du système de l'indexation concernant les prix du pétrole. C'est un travail pédagogique auquel les départements ministériels concernés s'adonnent pour accompagner l'éventuelle hausse du carburant à la pompe. Car si le décret de l'indexation a été déjà publié au Bulletin officiel, son entrée en vigueur est toujours en attente d'une décision politique. C'est ce qu'a affirmé le ministre chargé des affaires générales et de la gouvernance, Mohamed Najib Boulif, jeudi lors d'une conférence de presse à Casablanca laissant entendre qu'une décision définitive sera probablement prise dans ce dossier dans les prochaines heures. Le ministre a expliqué que la situation politique actuelle où les négociations se poursuivent pour la formation d'une nouvelle majorité parlementaire, et donc d'un cabinet Benkirane II, a poussé l'Exécutif à repousser un peu plus l'activation de l'indexation, fort probablement pour le mois d'octobre. Une chose est sûre en tout cas : la révision des prix sera effectuée désormais le 16 de chaque mois. Les nouveaux prix à la pompe seront, selon le gouvernement, annoncés la veille de chaque hausse ou baisse, calculées selon la moyenne des cours du baril du pétrole à l'international durant les deux mois précédents. Mais si le gouvernement met de gros moyens de communication, c'est pour préciser d'un côté que la compensation sera maintenue selon les niveaux prévus par la loi de Finances en vigueur et de l'autre que seulement trois carburants liquéfiés sont concernés par l'indexation, à savoir le super sans plomb, le gasoil 50 ppm et le fuel industriel. Autrement dit, le gaz butane et le fuel destiné à la production de l'électricité ne seront pas touchés. Couverture du risque Une décision politiquement sensible et complexe comme l'indexation ne pouvait être prise sans des mesures parallèles pour se prémunir des risques du marché. C'est ainsi que l'Exécutif a opté pour une couverture du risque plus connue sous le nom de hedging. Cet anglicisme veut dire couverture du risque pour se couvrir contre les fluctuations d'un cours, en l'occurrence celui du pétrole dans les marchés internationaux. Le coût de la transaction n'a pas été divulgué pour le moment. On sait cependant qu'un groupe de plusieurs banques marocaines a été mandaté pour négocier le contrat. Il faut dire qu'une couverture comme le hedging peut être coûteuse et risquée. De l'aveu même du ministre Boulif, les seules fois où cette dernière a été contractée par deux organismes marocains, elle s'est soldée par un fiasco total. «Aujourd'hui, nous avons les compétences requises pour mener à bien une telle opération. Nos équipes chargées du suivi vont travailler 24/24 pour suivre notamment les moindres fluctuations du marché du pétrole à l'international», dit-il. Concrètement, l'indexation consistera à mettre à contribution le consommateur final à la pompe. Ce dernier sera appelé à payer le surplus des tarifs à la pompe après ajout de la subvention de la compensation qui est de 2,6 DH pour le gasoil, 0,80 DH pour l'essence et 930 DH pour le fuel industriel lorsque le seuil du cours du baril de pétrole qui est de 105 dollars US prévu par la loi de Finances est dépassé. Un autre seuil qui n'a pas été divulgué a été fixé si les cours poursuivaient leur hausse. A partir de ce seuil, c'est l'organisme assureur dans le cadre du hedging qui supporte la différence. Jusqu'à quel niveau de prix ? C'est une autre question qui reste en suspens. Pour sa part, le gouvernement assure que dans le pire des scénarios envisagés, la hausse supportée par le consommateur final à la pompe ne dépassera pas 1 dirham. Réunions avec la CGEM Le gouvernement devrait rencontrer les responsables de la CGEM. Deux principaux points sont à l'ordre du jour, notamment la préparation du PLF 2014 (projet de loi de Finances) ainsi que le système de l'indexation des prix du carburant. La dernière hausse des prix à la pompe décrétée par l'Exécutif en juin 2012 s'était limitée au super sans plomb et au gasoil 50 ppm, épargnant le fuel industriel. Les prix de ce dernier seront appelés à changer sous l'effet du système de l'indexation réactivé par le gouvernement. Le tissu industriel risque de subir l'impact de cette hausse. Le gouvernement a déjà annoncé qu'il travaillait sur des mesures d'accompagnement pour les entreprises, notamment pour préserver leur compétitivité. La nature de ces mesures n'a pas encore été divulguée mais elles devaient vraisemblablement profiter à plusieurs secteurs. Cela dit, les négociations entre le patronat et l'Exécutif seront âpres vu la conjoncture économique actuelle. Compensation = déficit budgétaire Si la Caisse de compensation a permis de préserver la paix sociale en subventionnant les prix des matières de base et en maintenant le taux d'inflation à des niveaux inférieurs, elle a aussi des inconvénients. Pour le ministère des affaires générales et de la gouvernance, les charges de la Caisse de compensation qui ont parfois dépassé les 50 milliards de dirhams durant les derniers exercices budgétaires sont la principale cause derrière le déficit budgétaire. Un chiffre a même été avancé par le ministre pour qui le déficit budgétaire ne dépasserait guère les 1% si les charges de la Caisse de compensation n'étaient pas prises en compte. A noter que le déficit budgétaire avait dépassé les 7% du PIB (Produit intérieur brut) en 2012. Le gouvernement compte sur l'indexation pour atténuer le déficit budgétaire. Les prévisions de la loi de Finances en cours avaient estimé le déficit à seulement 4,8%. Quid de la farine et du sucre ? En plus des produits pétroliers, la Caisse de compensation subventionne également des produits de base comme la farine et le sucre. S'agissant de la farine, le gouvernement devrait lancer incessamment des appels d'offres pour sélectionner de nouveaux minotiers chargés de la production et la distribution de la farine subventionnée. Des changements devraient également toucher les zones géographiques qui bénéficient prioritairement de cette farine. Il semble dans ce sens que le gouvernement se dirige vers l'élimination de certaines communes urbaines de la liste des bénéficiaires. Concernant le sucre, l'Exécutif ne sera pas pressé d'introduire de grands changements. Et pour cause, les prix à l'international suivent un trend baissier depuis quelque temps au point que l'enveloppe budgétaire de 3 milliards de dirhams consacrée cette année à la subvention du sucre n'a été pour le moment dépensée qu'à 50%.