Voilà 10 ans que le Maroc était à son tour frappé par le terrorisme – cette violence aveugle – qui tuait plus de 40 innocents et endeuillait non seulement notre pays mais aussi les pays dont étaient originaires les victimes. 10 ans c'est à la fois beaucoup et peu : pour les familles ce 16 Mai demeurera toujours présent comme si c'était hier, pour nous-mêmes si le devoir de mémoire perdure, il est clair que le temps nous oblige à «passer à autre chose». Le terrorisme n'est bien sûr jamais prévisible et il peut frapper n'importe où et à n'importe quel moment -chez nous il y a eu l'Argana voici 2 ans, ailleurs nous n'en tenons même plus le décompte – il est cependant possible de tenter d'assécher le «terreau local», ce terreau fait de misère intellectuelle, de sentiment d'abandon, d'exclusion qui prévalaient en 2003 dans un quartier tel que celui de Sidi Moumen. Si sur le plan des infrastructures le progrès est palpable, on ne peut en dire autant de l'accompagnement social ni de l'encadrement de la jeunesse. Nos jeunes dans les quartiers populaires, dans les bidonvilles qui subsistent – notre jeunesse en général– continuent d'être victimes d'une absence de vision, de l'absence d'attention de la part des élus, et d'être laissés seuls face à eux-mêmes C'est là que réside bien sûr le plus grand des dangers car si l'immense majorité de notre jeunesse se place dans une orbite positive, qu'en est- il de ceux qui restent sur le bord du chemin, sensibles aux sirènes des «faiseurs de violence», qu'ils s'appellent «karkoubi» ou prêcheurs de haine ? Chaque 16 Mai j'ai une pensée pour Madame Khammal, cette dame d'un grand courage, d'une grande dignité qui en ce jour funeste a perdu son époux et son fils Tayeb. Tayeb aurait aujourd'hui 26 ans ! 16–26 ans, cette tranche d'âge que l'on connaît bien, qui permet de passer de l'adolescence à l'âge adulte, cette jeunesse qui nous entoure si nombreuse, si prometteuse et en même temps si désorientée, si seule, si livrée à elle-même. Cette «génération Tayeb» qu'il nous faut absolument préserver, immuniser contre la haine, contre la violence, le rejet de l'autre… ces jeunes qui – le film de Nabil Ayouch, les Chevaux de Dieu, le montre bien – sont à la fois si méfiants et si influençables, capables du meilleur mais qui hélas représentent une proie pour tous ces prédateurs, prêcheurs de violence ! Tayeb aurait 26 ans donc, il fait partie de notre mémoire collective, lui qui est tombé victime «d'apprentis terroristes» à peine plus âgés que lui. Faut-il que nous en ayons raté des choses en matière d'éducation, de transmission des valeurs, d'encadrement familial et social pour en arriver là ! En 10 ans notre pays a beaucoup changé, en mieux dans bien des domaines, pourtant s'il en est un où nous avons tout faux il s'agit bien de celui de la prévention de la violence. Cette violence qui s'étend à tous les niveaux de notre société et dont une partie de notre jeunesse est à la fois coupable et victime. Il est temps d'agir, il est urgent d'agir… sans prise de conscience et recherche de solutions et de moyens de prévention nos villes se transformeront en jungle et nos campagnes en zones de non-droit…