Le Conseil de Sécurité a voté en faveur d'une nouvelle Résolution pro-marocaine qui porte un coup de grâce aux illusions de l'Algérie. Décryptage. Sous la griserie des festivités du 1er novembre, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, s'obstine à accomplir son vieux rêve de ressusciter le Maghreb arabe sans le Maroc. Après avoir pris plaisir à défiler aux côtés de son généralissime en chef, Chengriha, lors du défilé militaire, où il a pitoyablement singé le cortège équestre de la Garde Royale, le Chef d'Etat algérien a profité de la présence des leaders de la Mauritanie, de la Tunisie et de la Libye pour les réunir avec le chef du Polisario. Incapable de réaliser cette démarche frénétique avec des Etats fragilisés, l'Algérie a fait ce geste symbolique pour narguer le Maroc après le succès de la visite du président Emmanuel Macron à Rabat où il a clairement tranché le dilemme historique de son pays au Maghreb en faveur du Royaume, dont il a réitéré officiellement et sans équivoque la souveraineté sur le Sahara. Un choc d'une brutalité inouïe pour le régime algérien qui continue d'encaisser les revers diplomatiques.
Le choc onusien ! Si le président algérien s'est livré ostensiblement à une telle gesticulation provocatrice, ce n'est que pour occulter la frustration qui règne à Alger après l'adoption de la Résolution 2756 du Conseil de Sécurité dont les membres ont porté un coup de grâce aux attentes de la délégation algérienne. Votée à douze voix favorables contre deux abstentions, la Résolution, rédigée par les Etats-Unis, prolonge comme prévu le mandat des Casques bleus d'un an supplémentaire. Le texte dont s'est félicité le Maroc, par la voix du ministère des Affaires étrangères, conforte une nouvelle fois les intérêts du Royaume. Les Etats membres du Conseil appellent à une "solution réaliste", "réalisable" et mutuellement acceptable. Fini le temps des vieilles lunes de l'autodétermination, l'heure est au pragmatisme pour trancher un conflit qui n'a que trop duré. L'époque de l'interprétation opportuniste des principes de la Charte des Nations Unies est révolue. Le référendum d'autodétermination, dont l'ONU reconnaît l'inapplicabilité technique, n'est plus cité depuis 2007. Désormais, seules comptent les Résolutions postérieures à 2007.
L'Algérie appelée aux tables rondes Le Conseil de Sécurité considère désormais que le statu quo est inacceptable dans un contexte de blocage du processus politique. Les causes d'un tel blocage sont connues de tout le monde. Le Polisario préfère toujours s'affranchir du cessez-le-feu, tandis que l'Algérie refuse obstinément de siéger aux tables rondes, auxquelles les Nations Unies appellent inlassablement. Déçue, l'Algérie a déserté le vote après avoir constaté que ses amendements n'ont pas été pris en compte. La délégation algérienne a échoué à faire inscrire l'autodétermination comme la finalité du processus politique et à appeler aux négociations directes entre le Maroc et le Polisario. Mais la Résolution a citée l'Algérie cinq fois, quasiment autant que le Maroc, comme partie au conflit, ce qu'elle refuse.
Lamentations mélancoliques ! En colère, le représentant de l'Algérie s'est livré à un spectacle pathétique aux allures d'une lamentation mélancolique où il a maugréé contre le porte-plume auquel il a reproché de l'avoir complètement ignoré. Un show mal scénarisé, comme qualifié par l'ambassadeur du Maroc, Omar Hilale (voir repère). Là, il a eu raison. Lors des consultations à huis clos, la délégation américaine a totalement négligé les amendements de l'Algérie qui suggérait d'élargir la compétence des Casques bleus à l'observation des Droits de l'Homme. Sidérant de la part d'un pays qui bafoue brutalement le « hirak » populaire, musèle l'opposition chez lui et réprime impitoyablement les revendications nationalistes des Kabyles, au moment où il s'efforce à soutenir l'autodétermination au Sahara.
La curieuse attitude de la Russie Ce deux poids-deux mesures est de plus en plus illisible aux yeux de la communauté internationale. L'isolement de l'Algérie s'est montré au grand jour. Même la Russie, son allié historique, s'est contentée de s'abstenir, sans voter ses amendements. Les divergences russo-algériennes sur le Mali expliquent en partie cette attitude, explique Mohammed Badine El Yattitoui, Professeur d'Etudes Stratégiques au National Defence College (NDC) des Emirats Arabes Unis, qui rappelle que la Russie refuse d'utiliser son véto vu ses intérêts économiques croisés avec le Maroc. Pour leur part, les Etats-Unis ont réitéré leur soutien au plan d'autonomie, tandis que la France, par la voix de son ambassadeur Nicolas de Rivière, a proclamé haut et fort son soutien à la marocanité du Sahara. Comme la Chine, le Royaume-Uni, dont le soutien à la thèse marocaine est pressenti imminent, a voté en faveur de la Résolution. Cela dit, le Maroc a désormais le soutien de la plupart des grandes puissances détentrices du droit de véto.
L'avenir incertain de Staffan de Mistura Dans un tel contexte, comme son rêve se volatilise de jour en jour, l'Algérie tente de jouer les cartes de l'obstruction des tables rondes et de la division. D'où le plan controversé de la partition que l'Envoyé personnel du SG de l'ONU, Staffan de Mistura, a proposé lors de son dernier briefing au Conseil de Sécurité. Omar Hilale a fait savoir, lors d'une conférence de presse, que ce dernier n'a fait que transmettre une proposition algérienne. En gros, il semble que le mandat de l'émissaire onusien ne tient qu'à un fil. Il n'a plus aucun crédit aux yeux du Maroc. Les raisons de sa démission se multiplient. Il échoue là où son prédécesseur, Horst Kohler, avait réussi lorsqu'il a organisé les tables rondes en 2018 et 2019. Staffan De Mistura s'est compromis lui-même en allant en Afrique du Sud contre le gré du Royaume, avant de tenter de dépoussiérer la vieille recette de la partition que les Nations Unies avaient enterrée il y a belle lurette, ce qui soulève beaucoup de questions sur son impartialité. "L'avenir de Staffan de Mistura paraît déjà scellé, d'ici quelques mois, il me semble qu'il prendra son tablier", tranche M. El Yattioui qui estime que l'émissaire onusien a fait preuve d'échec en se faisant l'écho d'une solution déjà refusée par le passé. Maintenant que la thèse marocaine est de plus en plus appuyée par le Conseil de Sécurité, la capacité de l'ONU à faire avancer le processus politique demeure incertaine, d'autant que l'émissaire onusien peine à ramener l'Algérie autour de la table des négociations. Notre expert estime que les pays influents, et particulièrement les Etats-Unis, vont essayer de plus en plus ardemment de convaincre les Algériens, mais avec peu de succès à court terme. Entre-temps, le Maroc poursuit de rallier la communauté internationale à ses côtés. Trois questions à Mohammed Badine El Yattioui "Il y a une volonté des acteurs influents de pousser l'Algérie vers la négociation" * En quoi la nouvelle Résolution du Conseil de Sécurité est-elle plus pro-marocaine que les précédentes ?
- Cela fait plus plusieurs années qu'on assiste à des Résolutions incontestablement favorables à la position marocaine de l'autonomie qui a été mise en avant. Maintenant, il y a une sorte d'accélération du soutien à la thèse marocaine, ce qui récompense le dynamisme dont fait preuve la diplomatie du Royaume. Force est de constater que toutes les Résolutions antérieures à 2007 sont mises de côté, c'est une très bonne nouvelle pour le Maroc qui, seul, fait preuve de volontarisme en proposant l'autonomie comme une façon de sortir par le haut de ce conflit artificiel. Les autres parties prenantes ont montré qu'elles sont seulement dans le blocage pour gagner du temps et faire durer le conflit.
* Comment peut-on analyser l'attitude de la Russie qui s'est abstenue de voter le texte et qui n'a surtout pas soutenu les amendements algériens ?
- On ne peut pas appréhender l'attitude de la Russie indépendamment des relations qu'elle entretient avec le Maroc. N'oublions pas que les deux pays partagent des intérêts économiques dans la pêche, l'agriculture... Moscou est également en mauvaise posture parce qu'il est empêtré dans la guerre en Ukraine, ce qui ne lui permet pas de peser sur ce dossier. La Russie reste tout de même fidèle à sa position,vu sa proximité avec l'Algérie dont elle est le principal fournisseur d'armes. Toutefois, cette alliance n'est plus aussi solide qu'autrefois, vu les intérêts opposés des deux pays au Sahel, où la présence de Wagner au Mali gêne les Algériens. D'où, je crois, le fait que la délégation russe n'ait pas soutenu les amendements algériens.
* Le Conseil de Sécurité a jugé le statu quo inacceptable. De quelle marge dispose-t-il pour pousser vers la relance du processus politique ?
- Il est extrêmement important que le Conseil de Sécurité considère le statu quo comme inacceptable alors que le conflit va bientôt boucler son 50ème anniversaire. La France a, pour sa part, jugé inadmissible la poursuite des hostilités de faible intensité. Il y a une volonté des différents acteurs, dont la France et les Etats-Unis, de ramener l'Algérie à la table de négociations. Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une mission dure pour Paris, vu ses tensions diplomatiques avec Alger. Cependant, les Américains vont continuer de le faire avec un succès militaire à court terme, étant donné le dogmatisme du régime sur cette affaire.
Résolution 2756 : Satisfaction marocaine Le Royaume du Maroc s'est félicité de l'adoption de la Résolution 2756 du Conseil de Sécurité de l'ONU. Le ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l'étranger a indiqué dans un communiqué que « cette Résolution intervient dans un contexte marqué par la trajectoire irréversible imprimée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI au dossier de l'intégrité territoriale du Royaume, à travers les soutiens croissants de membres permanents du Conseil de Sécurité et de pays influents à la marocanité du Sahara et à l'Initiative marocaine d'Autonomie, et la poursuite des retraits des reconnaissances de la pseudo "rasd" », ajoutant que « la Résolution, adoptée ce jour, préserve tous les acquis du Maroc ». Elle introduit également de nouveaux éléments importants pour l'évolution future du dossier au sein des Nations Unies, souligne la même source. En effet, le nouveau texte consacre le cadre, les parties et la finalité du processus politique. Ainsi, « le Conseil rappelle de nouveau que les tables rondes constituent le seul et unique cadre pour parvenir à une solution politique au différend régional sur le Sahara marocain », rappelle la même source. Omar Hilale : "Nous n'allons pas retenir Staffan De Mistura s'il veut partir" L'ambassadeur du Maroc auprès des Nations Unies, Omar Hilale, a tenu, jeudi, un point de presse dans lequel il a réagi à la nouvelle Résolution adoptée par le Conseil de Sécurité. Il n'a pas manqué de fustiger l'attitude du représentant de l'Algérie qui s'en est pris aux Etats Unis, le porte-plume de la Résolution. Avec son sens de l'humour, il a fait état d'un spectacle mal scénarisé. L'ambassadeur marocain trouve sidérant que l'Algérie parle de droits de l'Homme au Sahara alors qu'elle s'empresse à les bafouer en permanence chez elle que ce soit à l'encontre des opposants ou des populations kabyles. Le diplomate marocain a estimé qu'un pays qui ferme les journaux et les télévisions et persécute brutalement l'opposition n'est nullement bien placé ni audible pour parler de droits de l'Homme. Concernant le plan controversé de partition du Sahara que l'Envoyé personnel du Secrétaire général de l'ONU au Sahara, Staffan de Mistura, a évoqué le 16 octobre, lors de son dernier briefing au Conseil de Sécurité, Omar Hilale a pris soin de rappeler qu'il s'agit d'une suggestion algérienne transmise par l'émissaire onusien. Dans ce sens, il a rappelé qu'à chaque fois que l'Algérie se trouve en mauvaise posture et isolée politiquement, elle propose la partition, comme l'avait suggéré l'ancien président Abdelaziz Bouteflika en 2001 lors de sa rencontre avec l'ancien émissaire de l'ONU, James Baker, à Houston. Maintenant, l'avenir de De Mistura semble incertain, lui qui a donné un délai aux allures d'un ultimatum de six mois pour trouver un chemin pour relancer le processus politique. Sur ce point, Omar Hilale s'est montré clair en critiquant l'incapacité du diplomate italo-suédois de ramener l'ensemble des parties concernées autour de la table des négociations. "S'il souhaite démissionner, nous n'allons pas retenir", a-t-il martelé, après avoir rappelé que le rôle d'un émissaire onusien consiste à faciliter le dialogue entre les parties prenantes pour parvenir à une solution.