Le procès de huit adultes accusés d'avoir contribué à la campagne de haine ayant conduit à l'assassinat le 16 octobre 2020 de Samuel Paty, un professeur d'histoire-géographie de 47 ans, s'est ouvert lundi à Paris. L'assassin, Abdoullakh Anzorov, 18 ans, islamiste radical russe d'origine tchétchène, bénéficiaire du statut de demandeur d'asile en France, a été tué par la police peu après avoir poignardé et décapité le professeur à Conflans-Sainte-Honorine, en région parisienne. La première journée d'audience d'un procès prévu pour durer sept semaines a été très formelle. Après avoir vérifié l'identité des accusés, la cour d'assises spéciale, composée uniquement de magistrats professionnels, a procédé à l'appel des témoins. Ils sont 98 au total dont la jeune fille, collégienne dans la classe de Samuel Paty, qui avait affirmé de façon mensongère - elle était absente du cours - que ce dernier avait demandé aux élèves musulmans de quitter sa classe avant de montrer des caricatures de Mahomet. Toujours mineure, elle doit témoigner le 26 novembre. Jugée avec cinq autres ex-collégiens à huis clos en 2023 par le tribunal des enfants de Paris, elle a été condamnée à 18 mois de prison avec sursis pour dénonciation calomnieuse. La cour commencera l'examen de personnalité des accusés à partir de mardi. Les premiers interrogatoires sur les faits débuteront le 20 novembre. Deux jeunes amis de l'assaillant doivent répondre de "complicité d'assassinat terroriste", crime passible de la réclusion criminelle à perpétuité. Les six autres accusés sont jugés pour participation à une association de malfaiteurs terroriste criminelle, crime passible de 30 ans de réclusion criminelle. Parmi les accusés figurent Brahim Chnina, Marocain de 52 ans, le père de la collégienne citée, et Abdelhakim Sefrioui, un militant islamiste franco-marocain de 65 ans. Ces deux hommes, en détention provisoire depuis quatre ans, ont massivement relayé les mensonges de l'adolescente sur les réseaux sociaux dans le but, selon l'accusation, de "désigner une cible", "susciter un sentiment de haine" et "ainsi préparer plusieurs crimes". Ils sont tous deux accusés de participation à une association de malfaiteurs terroriste. "On cherche à faire payer à Abdelhakim Sefrioui l'ensemble de son oeuvre militante" or "il ne connaissait pas l'auteur" de l'attaque et n'y a "pas participé", a affirmé avant l'audience l'un de ses avocats, Me Vincent Brengarth. "Il est nécessaire de résister à l'appel de l'opinion publique", a-t-il ajouté. Les deux amis d'Anzorov, Naïm Boudaoud, 22 ans, et Azim Epsirkhanov, Russe d'origine tchétchène de 23 ans, sont notamment accusés de l'avoir accompagné la veille de l'attentat dans une coutellerie de Rouen (nord-ouest de Paris). L'assassinat de Samuel Paty - survenu en plein procès des attentats du 7 janvier 2015 contre la rédaction de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo - a constitué une onde de choc dans la société française. "La mécanique tragique qui a abouti au martyre de Samuel Paty révèle la profondeur de l'entrisme islamiste en France et sa porosité avec le terrorisme. Son exposition en détail en audience publique doit non seulement aboutir à la condamnation sévère de ceux qui y ont concouru, mais aussi permettre une prise de conscience de notre société face à un péril mortel", souhaitent Thibault de Montbrial et Pauline Ragot, avocats de Mickaëlle Paty, une des soeurs du professeur assassiné. Francis Szpiner, avocat d'autres membres de la famille, a souhaité "que la justice se montre à la hauteur du crime qui a été commis, un fait inouï dans l'histoire de la République". L'audience est présidée par Franck Zientara, un magistrat chevronné qui a notamment dirigé le procès de l'assassinat d'un prêtre par deux islamistes radicaux près de Rouen en 2016. Le procès sera aussi l'occasion d'évoquer la figure de Samuel Paty, un homme "esseulé, apeuré, aux abois", selon les magistrats instructeurs. "Je suis menacé par des islamistes locaux", écrit-il à ses collègues le 10 octobre 2020, quatre jours après son cours sur la liberté d'expression. A aucun moment, il ne bénéficiera d'une protection policière. Lui qui a l'habitude de rentrer chez lui à pied demande à des collègues de le raccompagner en voiture les quatre jours qui précèdent son assassinat. Sauf le 16 octobre, veille de vacances scolaires, où aucun enseignant motorisé n'est disponible. Triste symbole du sentiment d'insécurité qui l'habitait, un marteau a été découvert dans son sac à dos après son assassinat. Le procès est prévu jusqu'au 20 décembre.