Plus de 72 heures après l'annonce de l'Istiqlal de sa décision de sortir du gouvernement, les responsables du PJD, dont certains sont réputés pourtant très bavards, gardent leur mutisme. Aucune réunion du parti jusqu'au débat de la soirée hier, aucune intervention médiatique officielle et pas de communiqué si ce n'est le document très bref de quelques lignes, signé par le numéro un du parti, Abdelilah Benkirane, précisant qu'il est le seul habilité à donner la position officielle du PJD sur la question. Une position officielle qui se fait toujours attendre alors que la majorité actuelle est sérieusement menacée d'effondrement et le gouvernement dans sa configuration actuelle avec elle. Pourquoi le PJD préfère-t-il garder le silence? S'agit-il d'un choix tactique? Le mystère autour de ce silence radio du parti de la lampe commencera à se dissiper probablement dans les prochaines heures alors qu'une réunion du secrétariat général du parti devait avoir lieu hier dans la soirée sous la présidence de Benkirane. En attendant, l'onde de choc qui a suivi la décision de l'Istiqlal semble laisser la place petit à petit à un débat d'un autre genre. En effet, dans son communiqué final, l'Istiqlal dit se référer à l'article 42 de la Constitution. Une référence qui fait aujourd'hui débat portant essentiellement sur l'adaptabilité des dispositions de cet article à la crise qui secoue actuellement la coalition gouvernementale. De nombreux professeurs de droit et chercheurs dans les sciences politiques pensent que les dispositions de l'article 42 n'auraient rien à voir avec la situation actuelle qui oppose les alliés du gouvernement, en l'occurrence le PI et le PJD (Parti de la justice et du développement). C'est le cas notamment pour Abderrahim Manar Slimi, professeur universitaire à Rabat. «Il faut tout d'abord replacer la décision de l'Istiqlal de sortir du gouvernement dans son vrai contexte. En effet, une telle décision ne veut en aucun cas dire qu'il y a une crise constitutionnelle dans le pays ou un dysfonctionnement dans la bonne marche des institutions constitutionnelles nécessitant le recours à l'article 42 de la Constitution en vertu duquel le Souverain intervient pour garantir la bonne marche des institutions du pays», explique-t-il. Et de poursuivre : «Aujourd'hui, nous sommes face à une alliance gouvernementale probablement sur le point de s'effondrer après la décision de l'une de ses composantes de quitter le gouvernement. La Constitution contient des articles plus adaptés à cette situation comme l'article 47 ou bien l'article 104». Que stipule alors l'article 42 de la Constitution qui, crée la polémique ? Selon ledit article de la Constitution, «le Roi, chef de l'Etat, son Représentant suprême, Symbole de l'unité de la Nation, Garant de la pérennité et de la continuité de l'Etat et Arbitre suprême entre ses institutions, veille au respect de la Constitution, au bon fonctionnement des institutions constitutionnelles, à la protection du choix démocratique et des droits et libertés des citoyennes et des citoyens, et des collectivités, et au respect des engagements internationaux du Royaume». Aux yeux de Manar Slimi, cet article est beaucoup plus important que la crise gouvernementale actuelle. «Ce qui se passe pour le moment au sein de la majorité gouvernementale est directement lié aux relations entre ses composantes ainsi que la méthodologie utilisée par le PJD qui conduit le gouvernement pour la gestion des affaires et des conflits au sein de l'Exécutif», explique-t-il. Et de conclure : «L'invocation de l'article 42 par l'Istiqlal est expliquée probablement par une certaine hésitation au sein de ce parti après la décision du conseil national de sortir du gouvernement».